
Rassemblement national et Marcheurs ! flirtent juste, pour l’instant. Mais bientôt, ils feront un enfant. Bientôt, le système y verra son issue de secours. Bientôt, se dessinera la fusion du projet « national-autoritaire » et « euro-libéral ». Comment y répondrons-nous ?
« Les députés Rassemblement national veulent, incontestablement, que l’on puisse avancer avec beaucoup de bon sens. C’est en réalité à l’Assemblée que nous verrons et que nos compatriotes verront comment nous essayons d’avancer ensemble. » Ainsi s’exprimait, le lundi 20 juin au matin, au lendemain des élections législatives, le ministre de la Justice Eric Dupont-Moretti.
Un mois plus tôt, dans l’entre-deux tours de la présidentielle, Emmanuel Macron invitait les Français à « faire barrage à l’extrême droite ». Mais soudain, au contraire, le Rubicon était franchi par les fantassins En Marche ! (...)
: depuis Bruxelles, la concurrence s’étend à tous les domaines de nos vies, le rail, l’université, la santé, au point d’en paraître une loi naturelle, universelle… la mondialisation triomphe encore, des traités de libre-échange sont signés avec le Canada, le Mexique, l’Inde, la Chine, le Vietnam, et cette semaine encore, avec la Nouvelle-Zélande…
Ils n’ont pas renoncé, loin de là.
Mais il leur faut avancer sans le demos, voire contre le demos.
Dans une supposée « démocratie », c’est pas coton… (...)
C’est Christophe Barbier, rédacteur en chef de L’Express, qui recommande un nouveau traité européen, mais puisque « les peuples ne valideront jamais un tel traité, un putsch légitime est nécessaire ». C’est James Lovelock, scientifique influent, qui nous avise : « Face à la crise écologique, il peut être nécessaire de mettre la démocratie de côté pour un moment. » C’est Georges Steiner, essayiste, qui esquisse la suite : « Il est concevable que la solution dans les grandes crises économiques soit une solution à la chinoise, technocratique. Que nous évoluions vers un despotisme libéral. Ce n’est pas un oxymore. Il reviendra peut‑être à des despotismes technologiques d’affronter les grandes crises qui dépassent les systèmes libéraux traditionnels. » (...)
à l’automne 2018, c’est des périphéries françaises que surgissaient les Gilets jaunes. Comment furent-ils traités ? Non par un compromis social (la TVA à 0% sur les produits alimentaires, retour de l’impôt sur la fortune, référendum d’initiative citoyenne…), mais par la violence d’Etat : la police fut mise au service d’un « camp ». Avec, à l’arrivée, plus de trois cents crânes fendus, trente yeux éborgnés, six bras amputés, et deux morts.
La venue du Covid a libéré cette pulsion, au nom du sanitaire : du jour au lendemain, sans contrepoids aucun, sans contre-pouvoir, un homme seul décidait de confiner, déconfiner, reconfiner, imposait « distance sociale » et « gestes barrières », interdisait l’entrée des Ehpads, réglementait les enterrements, triait parmi les commerces essentiels et non-essentiels, bougeait le couvre-feu à 19 h, 21 h, 20 h, etc.
Le pente était prise, sans frein : « libéral » et « autoritaire » vont de pair.
Il faut décrire, en vis-à-vis, l’autre mouvement : le « national-autoritaire » qui se fait libéral, qui n’effraie plus les élites, qui devient compatible avec leur système, leurs profits.
Fouillant les archives à la Bibliothèque nationale de France, j’ai étudié le programme économique du Front national depuis sa fondation, en 1972. Comment il fut, d’abord, jusque dans années 80, thatchérien, reaganien, ultra-libéral, pro-européen à fond, regardant Bruxelles comme « un rempart contre le bolchevisme ». Comment, après la chute du Mur, le FN a lui aussi basculé, devenant anti Maastricht, anti-libre-échange, s’alignant sur une demande populaire de « protection ». (...)
Ce que la candidate vient dire ici, aux dirigeants du capital, et elle choisit son lieu, c’est : « Ne vous inquiétez pas, il n’y aura pas d’aventure. »
Ce que son « Projet présidentiel » confirme, de la première à la dernière ligne : pas un mot sur les multinationales, sur les paradis fiscaux, sur la finance MacKinsey, sur les actionnaires – dont les dividendes n’ont jamais, jamais été aussi élevés. Non, elle veut créer un « ministère dédié à la lutte contre la fraude », mais c’est la fraude sociale ! Ceux qui « volent la France », d’après elle, ce sont les assistés et, bien sûr, les émigrés… pas les firmes qui se sont goinfrées durant la crise sanitaire, pas les hecto-milliardaires qui échappent à l’impôt. Rien, rien, rien, sur les inégalités. Ni redistribution, ni partage. Ces mots n’y figurent pas. Pas plus que dans le programme d’Emmanuel Macron.
C’est là l’essentiel, l’essentiel pour les dominants du système : nous n’aurons pas à partager. Pas à encadrer les profits. Pas à réguler le capital. (...)
Que faire, alors, nous, dans cette histoire ? C’est du judo : Marine Le Pen se « notabilise », pour se rapprocher du pouvoir ? C’est un risque, évident. Mais c’est aussi une chance pour nous : la voilà qui appartient à l’ « establishment » que dénonçait son père. La voilà toute fière, on le sent, d’être reconnue parmi les gens sérieux, d’avoir son rond de serviette chez les bourgeois. Parviendront-ils, elle et ses collègues, en même temps, à incarner une colère populaire contre ce même « establishment » ? A nous de montrer, re-montrer, démontrer, que le Rassemblement national n’est pas « le vote anti-système », mais la roue de secours du système. Que les intérêts qu’ils défendent, au fond, sont ceux de « la France d’en haut », de l’oligarchie, de la Caste, qu’on appelle ça comme on voudra, et qu’ils nouent des alliances avec eux. A nous de nous bagarrer, partout, pour s’imposer d’évidence comme le vrai recours contre Macron et son monde. Pour ramener les fâchés, les résignés, les découragés, les énervés, les éloignés, pour en faire un bloc majoritaire. A nous de trouver le chemin des cœurs, et vite. (...)
il n’y a pas si longtemps, la moindre mairie tombée au FN suscitait tribunes et manifs : des indignations morales qui ne m’apparaissaient pas comme le meilleur des remèdes, mais la résignation, l’accoutumance, le silence, ne vaudront pas mieux. La bataille n’est pas perdue, mais il nous faut la mener, avec les bonnes armes, la bonne stratégie.