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le Monolecte/Agnès Maillard
La force de l’évidence
#capitalisme
Article mis en ligne le 3 décembre 2025
dernière modification le 1er décembre 2025

Fut un temps, j’étais capitaliste. Je veux dire que j’étais vraiment capitaliste.

Je l’étais déjà sous le signe de l’évidence, parce que c’était quelque chose qui s’imposait à tout le monde, un peu comme le fait que les autres, c’étaient les Soviétiques et que, chez eux, tout était nul. Mais vraiment nul à chier.

D’ailleurs, très régulièrement, on nous montrait des reportages très convaincants sur le fait que le camp d’en face, c’était de la merde en barre avec des vues édifiantes comme de longues files d’attente devant des magasins invariablement vides, puis on passait à la pub du meilleur des mondes – le nôtre, donc – où ça dégueulait littéralement de profusion et l’on voyait cela et l’on savait que c’était bon et désirable. C’était tellement génial qu’on avait même des émissions qui analysaient la pub sous tous ses angles, pour l’apprécier à sa juste valeur, un peu comme un art.

Anatomie de la normalité (...)

En fait, tout ce qui existe autour de toi quand tu es gosse, que tu grandis et que tu prends ta place dans la société, tout cela est ce qui te tient lieu de normalité. La normalité, c’est cette conviction qui se construit dans l’enfance. (...)

La normalité, c’est à peu près tout ce que tu connais de la vie. Et c’est façonné et étayé ensuite par les discours et les imaginaires partagés de ceux que tu côtoies.

Passer de l’évidence de la normalité à la puissance de l’adhésion, ça, c’est le boulot des représentations sociales, de la manière dont le monde se raconte à toi. C’est le job des artistes, des curés, des profs, des journalistes et du personnel politique. (...)

La question que je trouve intéressante, toutes ces décennies plus tard, c’est comment cette personne a-t-elle pu exister dans le corps que j’occupe à présent ? (...)