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Quelles sont les mesures qu’un gouvernement populaire devrait prendre envers les banques ?
Article mis en ligne le 2 juin 2018
dernière modification le 31 mai 2018

Dans cette contribution à un débat nécessaire, Jeanne Chevalier responsable du livre Banque de la France Insoumise, Patrick Saurin et Éric Toussaint du CADTM abordent deux options possibles : soit développer un pôle bancaire public en concurrence avec les banques privées et les banques mutualistes, soit mettre en place un service public bancaire en socialisant l’intégralité des banques.

Ces deux options doivent être débattues et différents scénarios doivent être envisagés.

L’hétérodoxie économique et les programmes de la social-démocratie en décomposition souffrent d’un impensé quant à la constitution d’un système bancaire alternatif. Pour y remédier, cette contribution tente d’avancer vers une proposition partagée, cohérente et opérationnelle quant à un plan d’organisation du secteur bancaire et aux conditions concrètes de sa mise en place par un gouvernement populaire qui arriverait au pouvoir en Europe.

Les mesures immédiates à mettre en œuvre

Pour avoir des marges de manœuvre une fois arrivé au pouvoir et limiter les risques d’asphyxie financière, un gouvernement populaire doit instaurer un contrôle des capitaux. Contrôler les capitaux n’est pas forcément contraire aux traités européens. L’article 65 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne introduit en effet un certain nombre de restrictions à la liberté des mouvements de capitaux, justifiées notamment par la lutte contre les infractions aux lois nationales en matière fiscale ou prudentielle ou par des motifs liés à l’ordre public ou la sécurité publique. (...)

Le système financier ne doit pas constituer un centre de profit en soi, indépendamment du financement de l’économie réelle (...)

Le terme de socialisation peut être préféré à celui de nationalisation. Le terme de nationalisation peut porter à confusion avec l’étatisation, la prise de contrôle des banques par les élites dirigeantes dans le cadre d’un capitalisme national. Celui de socialisation renvoie plus explicitement à une collectivisation dans laquelle les travailleurs exercent le pouvoir de décision et de contrôle qui sont deux dimensions essentielles du processus de socialisation. (...)

Il faut donc définir de manière démocratique l’exercice d’un contrôle citoyen actif. De même, il faut encourager l’exercice d’un contrôle des activités de la banque par les travailleurs du secteur bancaire et leur participation active à l’organisation du travail. Il faut que les directions des banques remettent annuellement un rapport public sur leur gestion transparent et compréhensible. Il faut privilégier un service de proximité et de qualité rompant avec les politiques d’externalisation menées actuellement. Il faut encourager le personnel des établissements financiers à assurer à la clientèle un authentique service de conseil et éradiquer les politiques commerciales agressives de vente forcée.

Les modalité concrètes de la transition

La transition vers un système bancaire socialisé pose néanmoins plusieurs questions auxquelles un gouvernement populaire devra répondre.

Le nombre de banques à socialiser (...)

L’indemnisation des actionnaires

Afin de socialiser les banques, la question de l’indemnisation des actionnaires privés se pose également. Il convient de traiter de manière différente les grands actionnaires et les petits actionnaires. Les grands actionnaires sont en effet activement ou passivement responsables de l’accentuation des activités bancaires spéculatives et à haut risque pour les épargnants, pour le Trésor public et pour la société dans son ensemble. Les petits actionnaires n’interviennent pas dans les décisions des banques, il est normal qu’ils soient indemnisés. Par ailleurs, il va de soi que les dépôts seront protégés. (...)

Vers un pôle public bancaire

Si le choix de la socialisation immédiate de l’intégralité du secteur bancaire n’est pas partagé par l’ensemble des forces rassemblées dans la mise en place d’un gouvernement populaire, le pôle public bancaire pourrait représenter une solution de compromis et permettre à ce gouvernement de disposer des moyens de sa politique. De manière à orienter le crédit vers les projets socialement et écologiquement utiles, la socialisation de banques généralistes doit venir à l’appui de la création plus large d’un pôle public bancaire (ou pôle financier public). Ce pôle public aurait pour mission de soutenir un plan de relance économique, écologique et social, de renforcer l’appareil productif, de diriger l’épargne populaire vers la satisfaction des besoins sociaux et économiques et d’assurer l’inclusion financière et l’accès de tous aux services financiers.

Dans l’optique de la création de ce pôle, un gouvernement populaire pourra s’appuyer sur les institutions déjà existantes dans chaque pays. Si l’on prend le cas de la France, ce pôle réunirait en premier lieu la Caisse des dépôts et Consignation et la Banque publique d’investissement (BPI). (...)

Ramener les groupes bancaires à leurs missions essentielles : la conservation sans risque de l’épargne et des dépôts et le financement de l’économie réelle (...)

Le secteur bancaire socialisé permettra de reconstituer un circuit vertueux de financement des pouvoirs publics (...)

Une nouvelle régulation et supervision du secteur financier

A son arrivée, un gouvernement populaire devrait mettre en place une régulation importante du secteur financier afin d’assurer la stabilité financière. La taille des banques doit être réduite afin qu’aucune banque « systémique » ne menace l’ensemble du système. Les banques d’affaires doivent être séparées des banques de détail afin de protéger les secondes. (...)

L’importance de la mobilisation populaire

La socialisation du secteur bancaire ne peut être envisagée comme un slogan ou une revendication qui se suffirait en elle-même et que les décideurs appliqueraient après en avoir saisi le bon sens. Elle doit être conçue comme un objectif politique à atteindre dans le cadre d’un processus porté par une dynamique citoyenne. Il faut non seulement que les mouvements sociaux organisés existants (dont les syndicats) en fassent une priorité de leur agenda et que les différents secteurs (collectivités locales, petites et moyennes entreprises, associations de consommateurs, etc.) se positionnent en ce sens, mais aussi – et surtout – que les employé.e.s de banque soient sensibilisé.e.s au rôle de leur métier et à l’intérêt qu’ils auraient à voir les banques socialisées ; que les usagers soient informés là où ils se trouvent (exemple : occupations d’agences bancaires partout le même jour) afin de participer directement à la définition de ce que doit être la banque.

La socialisation du secteur bancaire et le soutien populaire sont des conditions nécessaires à tout changement de modèle.

Seules des mobilisations de très grande ampleur peuvent garantir que la socialisation du secteur bancaire soit réalisée en pratique car cette mesure touche au cœur le système capitaliste.