
On les appelle les jeunes majeurs étrangers scolarisés. C’est l’un des points aveugles de la loi réglant le droit au séjour des étrangers, mais une population présente dans nombre de lycées. Il/elles sont arrivés autour de 15-17 ans pour acquérir une formation inaccessible dans leur pays. Ils ont fait leur place dans leur classe. Un beau jour, ils/elles deviennent majeurs et là, ils apprenent qu’ils sont indésirables.
Selon la loi, une personne mineure peut vivre en France sans justificatif de séjour particulier. Parmi les mineurs étrangers, il y a ceux qui vivent avec leurs parents et qui recevront un titre de séjour dès leurs 18 ans. A condition, toutefois, d’être arrivés en France avant l’âge de 13 ans (10 ans pour les Algériens et les Tunisiens), d’avoir suivi une scolarité continue... et que l’un au moins des parents avec lesquels ils vivent soit le père ou la mère biologique. Pas question de tuteurs, même pour des orphelins, c’est ce que prévoit un perfectionnement récent de la loi. On a suivi le calvaire de deux jeunes Algériennes rendues orphelines par le séisme de Boumerdes et recueilllies à l’âge de 10 et 11 ans en 2003 par leur tante à Paris. Ayant demandé un titre de séjour à leur majorité, elles reçoivent une obligation de quitter le territoire (OQTF) ! Il a fallu en passer par le tribunal administratif pour qu’enfin le bon sens triomphe.
Mais il y a tous les autres, ceux qui ont rejoint leurs parents après la mort de la grand-mère qui s’occupait d’eux pendant la phase d’installation des parents, ceux que leur famille envoie chercher une formation et, peut-être, un avenir qu’ils sont hors d’état de leur procurer au pays. La "France, mère des arts, des armes et des lois" de du Bellay continue à attirer ceux qui veulent progresser dans leur existence, même si son nouveau nom se prononce plutôt Françafrique, ancienne envahisseure qui se voulait un modèle, et qui le reste faute de mieux. (...)
Ces lycéens sont là, seuls 90 ont réussi à obtenir le sésame de la préfecture. Qui sont-ils, et qui sont les 160 autres, qui continuent leur vie de grands ados avec ce fardeau d’angoisse en plus ?
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Comportement surprenant de la part d’un pays qui délivre libéralement à tous la connaissance dans ses établissements scolaires et qui, quelques années plus tard, refuse la sécurité minimale du droit de séjour.
Certes, ces jeunes ne représentent qu’une faible part des deux-cent à quatre-cent mille étrangers en manque de titre de séjour, mais le sort qui leur est fait apparaît particulièrement injuste. Si, dans la plupart des cas, la décision de départ pour la France n’est pas de leur fait, ils ont, eux, fourni l’effort d’intégration que l’on attendait d’eux. Pour quel résultat ? (...)