
Depuis sa création il y a deux ans, le mouvement NBNNNP multiplie les manifestations spectaculaires destinées à alerter le public et les autorités de santé sur la dégradation des conditions de travail des soignants, facteur majeur de celle de la qualité des soins.
Sa dernière initiative témoigne de sa volonté d’approfondir sa réflexion. Le 23 janvier dernier, deux de ses représentantes participaient à une des réunions mensuelles des Économistes Atterrés, avec pour thème l’évolution du système de santé. (...)
L’économiste Jean-Paul Domin, Maître de conférences à l’Université de Reims, a rappelé en préambule "que la situation actuelle est l’aboutissement d’une politique hospitalière conduite depuis une trentaine d’années". Le point de départ se situe au début des années 80, quand les dépenses de santé commencent à augmenter plus vite que le revenu national. Les pouvoirs publics croient alors qu’il est possible de freiner la tendance, voire de la stopper. Pour cela, ils donnent la priorité à la baisse des dépenses hospitalières, qui se sont accrues jusqu’à dépasser la moitié du budget total de la santé. Leur politique va alors articuler trois axes d’action. (...)
Mais le système comporte d’importants effets pervers : sélection des patients dont le coût moyen est inférieur à la dotation de leur GHM, diminution de la durée de séjour (ce qui explique aussi l’engouement pour la chirurgie ambulatoire), surcotation, sélection des spécialités rentables (par exemple, la chirurgie orthopédique plutôt que la médecine interne et la gériatrie).
En résumé, pour Jean-Paul Domin, il y a bel et bien une politique de santé, en particulier hospitalière, même si ses mesures semblent disparates, et largement indépendante du gouvernement en place. (...)
il s’agit d’utiliser "de vieilles recettes de la sociologie des organisations" : plutôt que de promouvoir la productivité, qui n’a pas bonne réputation dans les milieux du soin, mettre en avant la performance, bien plus flatteuse.
Cette politique se heurte à des « résistances », comme aiment à le dire ses promoteurs. Mais elle est aussi adoptée par de nombreux professionnels, parce qu’ils y trouvent un intérêt personnel : ce sont en général des salariés fragiles, soit du fait de leur statut, comme ceux en CDD, qui espèrent gagner leur CDI par leur ardeur au travail, soit parce que leur légitimité est mal assurée (par exemple, les personnes victimes de racisme) : ils tentent de la renforcer en faisant valoir leurs capacités. (...)