
À Cordemais, en Loire Atlantique, les travailleurs de la centrale à charbon sont à nouveau en grève. Ils demandent un sursis au gouvernement qui prévoit de fermer les dernières centrales à charbon de l’hexagone en 2022. Ce sursis doit leur laisser le temps de peaufiner leur projet de transition vers une centrale à biomasse (lire notre article sur le sujet). Soutenu par les élus locaux et la direction d’EDF, ce projet de transition nommé « Ecocombust » ne fait cependant pas l’unanimité côté citoyens.
L’association locale Virage énergie climat Pays-de-la-Loire, soulève des doutes, d’abord sur la question des emplois. « Pour le moment, la centrale tourne environ 4000 heures par an, avance Martin, membre actif de l’association. Ecocombust prévoit qu’elle tournera 500 heures, soit huit fois moins. Mécaniquement, cette diminution du temps de fonctionnement s’accompagnera d’une destruction potentielle de plusieurs centaines d’emplois. » La centrale à charbon génère pour l’instant 800 emplois, avec la sous-traitance.
1500 nouveaux emplois chaque année
Les salariés de la centrale, qui portent le projet de conversion, affirment que l’activité de collecte et de transformation du bois en pellets impliquera un surcroît d’activité à même de compenser le fonctionnement réduit, en nombre d’heures, de la centrale. Virage énergie climat assure n’avoir jamais obtenu de chiffres précis en terme d’emplois préservés par le projet Ecocombust malgré de multiples demandes auprès d’EDF, des syndicats ou des élus locaux.
L’association estime que son scénario régional de transition énergétique est plus solide (...)
Dans une analyse publiée début décembre, le Conseil économique social et environnemental des Pays-de-la-Loire (Ceser) affirme que la connexion de la centrale à un réseau de chaleur « est en cours d’analyse ». Cela dit, la chaleur étant produite de manière intermittente et les besoins locaux à proximité de la centrale étant limités, le projet risque de ne pas être viable. (...)
L’association émet par ailleurs de sérieux doutes sur la disponibilité, à long terme, de la ressource en bois. Soucieux de faire mieux que d’autres projets de reconversion de centrale à charbon (comme à Gardanne dans le sud est de la France), les promoteurs d’Ecocombust excluent d’utiliser le bois de bocage, les sciures, les souches, la paille, les effluents agricoles, etc. Le gros de ce qui serait brûlé dans la centrale viendrait de rebuts de bois vert et de bois d’ameublement, appelés bois de « classe B ».
EDF affirme qu’une étude garantit que les quantités de rebuts de bois disponibles sont supérieures aux besoins de la centrale pour assurer 500 heures de fonctionnement. « Malheureusement les résultats de cette étude, financée à hauteur de 31 450 € par la région Pays-de-la-Loire, n’ont pas été rendus publics », regrette Martin. « Par ailleurs, il n’y a aucun engagement d’EDF à ne pas utiliser de bois de forêt. »
Des risques de pollution de l’air ? (...)
EDF affirme que les installations, récemment modernisées, « sont pleinement
opérationnelles pour la combustion de la biomasse ». Concernant le bois de classe B, des essais sont en cours pour identifier, quantifier, et choisir les modes de traitement des polluants identifiés. Le Conseil économique social et environnemental des Pays-de-la-Loire estime de son côté que « à terme, il semblerait pertinent qu’une analyse d’impact sur la qualité de l’air soit menée afin de garantir l’exemplarité de Cordemais ». L’avenir de la centrale du Cordemais incarne ainsi localement et concrètement les nombreuses questions que soulève la mise en œuvre d’une transition écologique socialement juste, loin des discours convenus.