
Le 14 juin a été mis en ligne, sur le compte Youtube du ministère des Affaires étrangères israélien, un court film d’animation (moins d’une minute) dénonçant le prétendu aveuglement des journalistes étrangers dans leur couverture médiatique de l’offensive militaire menée par Israël contre la bande de Gaza à l’été 2014. Le clip tourne en ridicule les correspondants étrangers, qui rendraient compte d’une manière angélique de la politique du Hamas à Gaza, et enjoint aux journalistes d’« ouvrir les yeux ».
La vidéo a été immédiatement dénoncée par l’Association de la presse étrangère en Israël (FPA) qui, dans un communiqué publié le 15 juin, a déclaré qu’il était « déconcertant » de constater que le ministère des Affaires étrangères « perdait son temps à produire une vidéo de 50 secondes dont le but est de ridiculiser des journalistes couvrant un conflit dans lequel 2 100 Palestiniens et 72 Israéliens ont été tués ». « Déconcertant », c’est le moins que l’on puisse dire. Car non seulement l’accusation de parti-pris pro-Hamas des journalistes étrangers est grossière et mensongère [1], mais le fait qu’elle soit portée par les autorités israéliennes elles-mêmes a de quoi susciter l’indignation.
L’État d’Israël est en effet très mal placé pour donner des leçons aux journalistes, a fortiori à propos d’une campagne de bombardements (doublée d’une invasion terrestre) au cours de laquelle pas moins de 17 journalistes ont été tués.
Ainsi, il n’est sans doute pas inutile de se souvenir que c’est le même État d’Israël qui, lors de l’opération « Plomb durci » à l’hiver 2008-2009, avait tout simplement interdit aux médias de se rendre dans la bande de Gaza pour couvrir les événements, suscitant l’indignation des associations de journalistes et des ONG [2]. (...)
La vidéo israélienne de propagande-qui-prétend-dénoncer-la-propagande est donc non seulement indigne, la liberté et la qualité de l’information passant par l’indépendance des médias vis-à-vis de toute forme de pression, qu’elle vienne des pouvoirs politiques – quels qu’ils soient [4] – ou économiques, mais elle est, de plus, particulièrement malvenue : avant de donner des leçons à qui que ce soit, on commence par balayer devant sa porte.