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le Parisien
Procès du Mediator : Servier condamné, des victimes regrettent « une justice à demi-mot »
Article mis en ligne le 29 mars 2021

Oui, les laboratoires Servier ont bien trompé des milliers de patients en commercialisant le Mediator, un antidiabétique indûment prescrit comme coupe-faim, alors qu’il connaissait les effets potentiellement dévastateurs de ce produit et qu’il s’est évertué à les cacher. C’est l’enseignement principal du jugement rendu ce lundi par le tribunal correctionnel de Paris dans ce dossier emblématique de scandale sanitaire.

Les laboratoires Servier – dont le fondateur Jacques Servier est décédé en 2014 - ont été reconnus coupables de tromperie aggravée et d’homicides et blessures involontaires. Ils devront s’acquitter d’une amende de 2,718 millions d’euros auxquels il faut ajouter près de 180 millions d’euros de dommages-intérêts aux quelque 6 500 victimes parties civiles.

Ancien numéro deux du groupe, Jean-Philippe Seta a été condamné à 4 ans de prison avec sursis et 90 600 euros d’amende pour les mêmes faits – le parquet avait requis 5 ans de prison dont 2 avec sursis. Même si ce procès ne concernait que 95 cas individuels (dont 7 décès), le médicament commercialisé entre 1976 et 2009 est soupçonné d’avoir provoqué plus de 500 décès et des milliers de pathologies cardiaques et pulmonaires.

Selon le tribunal, à partir de 1995, les laboratoires Servier « avaient conscience des risques que faisait encourir aux patients le Mediator et ont malgré tout poursuivi sa commercialisation » en France. Les juges ciblent également la « communication trompeuse » du groupe. Les termes de ce jugement de près de 2 000 pages, dont la présidente Sylvie Daunis a lu des extraits, sont extrêmement sévères.
« Une fraude d’une ampleur considérable et inédite » (...)

Pour autant, les peines prononcées sont bien en deçà des réquisitions du parquet, qui avait réclamé 10,3 millions d’euros d’amende à l’encontre de Servier et de son ex-bras droit. L’explication est juridique : ces derniers ont en effet été relaxés du délit d’escroquerie pour lequel ils étaient également poursuivis. Le tribunal a estimé que l’existence de « manœuvres frauduleuses » n’était pas établie sur le remboursement du médicament. (...)

Irène Frachon, la lanceuse d’alerte, qui avait témoigné lors du procès, était présente dans la salle. « Je suis soulagée pour les victimes. Le tribunal a reconnu ce que je dis depuis quatorze ans : le Mediator était un danger et Servier, qui l’a constamment nié, le savait, réagit la pneumologue. Mais je ressens également une frustration par rapport à la modicité des peines prononcées. » Même sentiment mitigé chez Me Jean-Christophe Coubris, qui défend 2 600 victimes (...)

Son confrère Me Charles-Joseph Oudin est plus virulent. « Quand on compare l’amende de 2,7 millions d’euros aux 400 millions d’euros de chiffre d’affaires que ce médicament a permis de générer, on peut dire que le Mediator reste une affaire juteuse pour Servier », tance l’avocat, qui redoute que le jugement n’ait « pas d’effet significatif pour les industriels. »
La « négligence » et « l’imprudence » de l’Agence nationale de sécurité du médicament

Mais Servier n’est pas seul à payer pour ce scandale. L’instruction et les débats ont révélé la légèreté de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM, ex- Afssaps), déclarée coupable des faits d’homicides et blessures involontaires et condamnée à 303 000 euros d’amende. (...)

Les sept mois du procès avaient également mis en lumière l’ampleur du réseau des laboratoires Servier dans les plus hautes instances sanitaires, via des experts rémunérés comme consultants. Ainsi, d’éminents professeurs en pharmacologie payés par le laboratoire tout en siégeant à la commission d’autorisation de mise sur le marché des médicaments. Sur ce volet conflits d’intérêts et « pantouflage », quatre prévenus ont été condamnés à des peines de 1 à 18 mois de prison avec sursis et 30 000 euros d’amende. (...)