
Nicolas Forissier, le contrôleur inflexible
Durant huit ans, de 2001 à 2009, Nicolas Forissier a été au cœur du système UBS. Il fait ses débuts au siège de la filiale française le 10 septembre 2001 comme responsable du contrôle interne. Une fonction qui consiste à vérifier que l’établissement financier respecte bien toutes les procédures, dans ce métier assez réglementé qu’est celui de banquier. Plutôt bien vu par ses chefs, il est promu responsable de l’audit interne l’année suivante. En 2005, après une nouvelle promotion, il est amené à contrôler tous les établissements d’UBS en France et découvre le pot aux roses : « Certains chargés d’affaires touchaient des bonus pour des opérations réalisées hors de France et, en même temps, ils effectuaient des déplacements fréquents en Suisse. » Nicolas Forissier vient de découvrir le système des « carnets du lait ». Il s’agit de documents qui recensent toutes les activités illicites des commerciaux de la banque pour le calcul de leur rémunération
« Or il est interdit à une banque française de fournir de l’aide à une opération d’évasion fiscale », rappelle Nicolas Forissier. Contre l’avis de sa hiérarchie, il consigne ce qu’il a débusqué dans un rapport et prévient l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), le gendarme des banques. Il est licencié en octobre 2009. Trois ans plus tard, le conseil des prud’hommes lui donne gain de cause et souligne dans son jugement (1) que « Nicolas Forissier a été licencié de manière abusive pour ne pas avoir voulu souscrire aux pratiques illicites de la banque UBS ». Son expérience l’a conduit à créer, avec d’autres, un collectif de lanceurs d’alerte, Metamorphosis, dont la devise est : « La vérité ne meurt jamais. »
« Patrick », le banquier à qui on ne la fait pas
Nous l’appellerons Patrick, parce qu’il a souhaité garder l’anonymat. « J’ai tourné la page UBS », souligne celui qui se considère comme un vieux briscard de la banque. (...)
« Des commerciaux suisses venaient prospecter sur notre territoire, tandis que certains de mes collaborateurs demandaient à être gratifiés, parce qu’ils avaient recommandé un de leurs clients en Suisse. » Patrick s’inquiète alors et demande conseil à certains de ses confrères en poste dans d’autres banques : « L’un d’eux m’a dit : « Si tu te fais choper, tu risques d’être mis en cause personnellement. » » Après avoir vainement tenté de sensibiliser le déontologue d’UBS, Patrick fait le choix de prévenir l’Autorité des marchés financiers (AMF). Ce qui lui a valu, lui aussi, d’être viré. Saisi de son affaire, le conseil des prud’hommes a, depuis, jugé que son licenciement avait été abusif. (...)
Stéphanie Gibaud, l’employée virée et pas remerciée
AUBS entre 2000 et 2009, elle n’était pas banquière au sens strict, mais chargée de l’organisation d’événements sur le sol français - « events », en jargon anglophone maison : tennis, golf, voile, Formule 1, opéra et autres parties de chasse… Avant de dénoncer à son tour l’évasion fiscale orchestrée par UBS, sur fond de multiples « échanges de carnets d’adresses ». Stéphanie Gibaud n’a guère été récompensée pour son rôle de lanceuse d’alerte. En 2016, sur un plateau de France 2, Michel Sapin, alors ministre des Finances, promettait pourtant de lui venir en aide pour sa noble contribution à la transparence fiscale - à l’instar d’un Antoine Deltour, ex-salarié du cabinet d’audit PWC à l’origine des LuxLeaks, désormais salarié dans une antenne régionale de Bercy.
« J’ai aidé l’Etat à trouver 38 000 comptes offshore », confie Stéphanie Gibaud, désormais aux minima sociaux. (...)
Non seulement Stéphanie Gibaud n’est pas récompensée donc, pire encore UBS a porté plainte contre elle pour diffamation. Dans sa grande sagesse, la justice française a cependant décidé d’attendre l’issue pénale du procès principal, pour « blanchiment de fraude fiscale en bande organisée », avant d’examiner la mesquine contre-plainte d’UBS. (...)
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La banque suisse, mais aussi l’un de ses anciens dirigeants, ont tenté en vain d’éviter un procès en cherchant une issue transactionnelle. (...)