
Si à l’automne dernier, l’Administration pénitentiaire a mis fin au partenariat qui la liait au Genepi, c’est parce que les prises de position critiques de l’association la contrariaient. C’est en tous cas ce que révèle une note interne que nous nous sommes procurée.
Une décision aux conséquences directes pour les détenus : les ateliers socio-culturels organisés par le Genepi furent de facto annulés dans la plupart des centrales et autres maisons d’arrêt. Pourtant, l’annulation de la convention nationale n’empêchait pas la signature de partenariats locaux, mais la plupart des directeurs de prison ont profité de l’occasion pour mettre un terme à la relation qu’ils entretenaient avec l’association.
L’argument avancé par la DAP pour la rupture nationale ? Un désinvestissement des bénévoles sur le terrain, avec 80 % d’ateliers de moins en trois ans. Contactée par CQFD, Margaux Vessié, secrétaire nationale du Genepi, justifiait alors la baisse des interventions entre les murs par une dégradation des conditions d’accueil. Las de savoir les détenus fouillés intégralement après chaque atelier, écœurés de devoir supporter caméras et matériel d’écoute à chaque intervention, les membres du Genepi avaient choisi de revoir leur coopération à la baisse.
Surtout, Margaux Vessié nous confiait à l’époque qu’à ses yeux, l’argument de la baisse du nombre d’ateliers ne tenait pas : la fin du partenariat avait tout l’air d’une sanction politique. Elle ne s’y trompait pas.
Chatouilleuse pénitentiaire
En témoigne la note interne que nous nous sommes procurée. Envoyée au directeur de cabinet du ministère de la Justice le 22 avril 2018 par Stéphane Bredin, directeur de l’administration pénitentiaire, la missive motivait le refus de la DAP de reconduire le partenariat. Elle se concluait ainsi : « Dans ces circonstances, notamment les choix politiques de rupture de l’association et de mise en cause de la politique du ministère, de l’institution pénitentiaire, de son personnel et de ses collaborateurs, le partenariat est de fait remis en question. » On était donc bien loin de la version officielle qui justifiait la rupture de la convention par le refus de subventionner une association qui se désengageait des missions qui lui avaient été confiées. Derrière l’argument massue du gaspillage d’argent public se cachait en fait la ferme intention de censurer toute critique à l’encontre de la politique carcérale menée par le gouvernement.
À ce propos, les pièces jointes au courrier envoyé par la DAP au ministère de la Justice sont édifiantes (...)
Face à la pression des militants et au ramdam médiatique entourant l’affaire, l’administration pénitentiaire a finalement mis de l’eau dans son vin. Un nouvel accord a été signé le 14 février dernier, ce qui a permis la reprise des ateliers. Le hic, c’est que ce nouveau partenariat est largement à l’avantage de la DAP et du ministère. Les militants du Genepi ont en effet dû lâcher du lest et s’asseoir sur les 50 000 € de subvention annuelle qui venaient de leur être sucrés et dont le retour n’est nullement envisagé.
Les objectifs de l’association ont également été redéfinis à la sauce ministérielle : alors que le Genepi s’inspirait depuis des années des principes d’éducation populaire, la DAP a tenu à replacer la lutte contre l’illettrisme au centre des missions de l’association en réaffirmant à cette occasion sa préférence pour un enseignement à sens unique. Dorénavant, en prison, la transmission des savoirs se fera de façon aussi verticale qu’un barreau de cellule.
Si les portes des centres de détention s’ouvrent à nouveaux aux bénévoles, l’équilibre de ce nouveau partenariat semble précaire et il y a fort à parier que son maintien ne se fera pas à n’importe quel prix. Dans cette affaire, celui du silence semble le mieux indiqué.