
Plus d’un mois après l’annulation partielle par le Conseil d’Etat de l’instruction du ministre de la Justice, G. Darmanin, interdisant les activités « ludiques ou provocantes » en détention, l’administration n’a tiré aucune conséquence de la décision rendue par la Haute Juridiction.
Ainsi que l’a indiqué un directeur de prison auprès de la Section française de l’Observatoire international des prisons (OIP-SF), aucune directive ne leur a été adressée par le ministère pour remettre en place les activités qui ont été déprogrammées sur le fondement de l’instruction illégale.
Ce silence des autorités administratives est d’autant plus injustifiable que, la semaine dernière, le ministre de la Justice conviait les professionnels du monde prison-justice aux États généraux de l’insertion et de la probation. Un événement censé incarner un tournant en faveur de la réinsertion, à laquelle contribuaient les activités qui ont été annulées…
C’est dans ce contexte que le collectif d’organisations[1], qui avait attaqué l’instruction ministérielle devant le Conseil d’Etat, a déposé une première vague de recours devant les juridictions administratives pour demander l’annulation des décisions de déprogrammation d’activités dans les maisons d’arrêt d’Épinal (yoga), Bayonne (ateliers de magie), Angoulême (danse orientale), Niort (yoga), Tulle (relaxation), Carcassonne (yoga, dessin et jeux d’échecs), le centre de détention d’Uzerche (médiation animale et relaxation) ou encore les centres pénitentiaires de Ploemeur (yoga) et Béziers (yoga).
La persistance de ces annulations d’activités en dépit du recadrage opéré par le Conseil d’Etat interroge : comment peut-on prétendre réfléchir à la réinsertion en prison alors même que l’on empêche les personnes détenues d’accéder aux rares activités qui y contribuent concrètement ? En l’absence d’instruction nationale, la confusion règne et l’offre d’activités en détention demeure fortement impactée par l’instruction pourtant partiellement censurée du ministre de la Justice.
Tous les acteurs du monde prison-justice s’accordent sur l’importance des activités pour la réinsertion des personnes détenues, et notamment du yoga qui a été sacrifié dans plus d’une trentaine d’établissement pénitentiaires. Les effets bénéfiques de ces activités sur la santé mentale, la régulation des tensions et la prévention des récidives sont largement documentés, et reconnus par l’administration pénitentiaire elle-même. En 2024, elle promouvait encore des ateliers de yoga à destination des personnes détenues identifiées comme violentes à Val-de-Reuil ou Fleury-Mérogis. Leur suspension prolongée, dans un contexte carcéral déjà extrêmement tendu, ne repose sur aucun fondement objectif.
Les organisations à l’initiative des différents recours appellent à la reprise immédiate de ces activités (et à leur extension), à l’envoi sans délai d’une instruction claire aux établissements pénitentiaires, et à ce que les discours ministériels sur la réinsertion cessent de masquer une réalité faite d’interdictions arbitraires et d’inertie administrative.
Signataires : Avocats pour la défense des droits des détenus (A3D), le Mouvement National « Le CRI », LDH (Ligue des droits de l’Homme), Section française de l’Observatoire international des prisons (OIP), Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (SNEPAP-FSU), l’Union nationale des Syndicat CGT SPIP.