
Qui veut gagner 20 millions ? En ces temps de restrictions budgétaires, aucune collectivité territoriale ne dirait non… Pourtant, c’est, au bas mot, la somme que le maire de Mulhouse s’apprête à offrir à des banksters masqués(1) qui brandissent une arme (factice ?!) qui fiche une trouille monstre à nos élu-e-s, à savoir un vieil emprunt toxique « Dexia » dont personne n’arrive à se débarrasser.
Rappel des faits : pour réaménager de vieux emprunts, en mai 2006, la mairie de Mulhouse, alors gérée par Jean-Marie Bockel, contracte auprès de Dexia un emprunt « structuré » de 16 millions d’euros indexé sur le cours du franc suisse. Cet emprunt tient du poker : un taux particulièrement avantageux (2,65%) mais qui peut être remis en cause en cas de forte appréciation du franc suisse. Et c’est ce qui se passe début 2010, quand l’euro commence à plonger face au CHF. (...)
D’après ce qu’on a cru comprendre, en novembre 2010, l’ancien premier-adjoint et désormais remplaçant de J.M. Bockel à la tête de la ville, Jean Rottner se fait piéger comme son prédécesseur en « obtenant » deux ans de répit auprès de Dexia. Du moins c’est ce qu’il croit, car il accepte de payer un taux nettement plus élevé (4,90 %), sans parvenir pour autant à neutraliser la violente toxicité du prêt qui a explosé ces derniers mois.
Les diktats des prêteurs
Comme l’a expliqué en 2012 la Chambre régionale des comptes d’Alsace, la ville est « captive des conditions de son prêteur qui, au gré des réaménagements, consolide sa relation et sa rentabilité »(2). Le coup de grâce arrive en janvier 2015 quand la banque centrale suisse cesse de maintenir artificiellement le cours du franc suisse et le laisse brutalement s’apprécier de 20%. Depuis, la ville de Mulhouse, comme un pays surendetté du tiers monde, paye plus d’intérêts qu’elle ne rembourse de capital ! (...)
Entretemps, Dexia a été démantelée et les prêts toxiques repris par l’État au sein d’un établissement public, la Société de Financement Local (SFIL), qui reste bien déterminée à faire payer les collectivités locales pour pouvoir satisfaire les exigences des banques de contrepartie.
La mairie de Mulhouse a porté plainte contre Dexia et la SFIL en juin 2013, sans doute pour tenter d’établir un rapport de force en sa faveur… un peu comme Alexis Tsipras vient de tenter de le faire en organisant le référendum grec sur la dette ! Hélas, en juillet 2014, le gouvernement fait voter une loi(3) destinée à protéger les intérêts de la SFIL et surtout des autres banques internationales qui sont embusquées dans certaines clauses des contrats(1).
Depuis, la négociation avec la SFIL a abouti au projet de « protocole transactionnel » suivant, soumis au conseil municipal du 29 juin 2015 : pour autoriser la ville de Mulhouse à se débarrasser du « Dual Dexia » et de ses 10 millions de capital restant dû, la SFIL exige d’emblée une indemnité de remboursement anticipé d’au moins 14 millions d’euros, qui pourrait être plus que doublée, camouflée en partie dans les intérêts d’un emprunt forcé de 54 millions d’euros sur 20 ans. En faisant preuve d’optimisme dans le choix des paramètres dont on dispose, on arrive, au bas mot, à une somme de 20 M d’€. (..)
Alors qu’en Grèce toute une population lutte pour une restructuration acceptable de la dette, les élus municipaux mulhousiens, tétanisés et toujours aussi mal informés, continuent d’engraisser les spéculateurs, sans combattre !