Entre les champs fraîchement moissonnés de l’été, les lotissements de maisons individuelles se dispersent. Par-ci par-là, aussi, un vieux mas de pierre. En toile de fond, au-delà des collines, les montagnes du massif des Cévennes dessinent un large panorama surmonté de ciel bleu. On comprend pourquoi Saint-Hilaire-de-Brethmas, petite ville du Gard en périphérie d’Alès, accueille toujours plus d’urbains ravis d’avoir maison et jardin à la campagne tout en étant qu’à dix minutes en voiture de la grande ville. Et c’est dans ce paysage que devrait prendre place l’« écosite des Hauts-de-Saint-Hilaire ».
Distribué dans toutes les boîtes aux lettres des habitants par l’agglomération d’Alès, qui regroupe 50 communes, un document de huit pages en couleurs sur papier glacé présente le projet : un « écogolf » de 18 trous, un « écohôtel » haut de gamme, près de 400 logements — dont un « écohameau », des « villas golfiques », des résidences pour seniors et des HLM —, un centre équestre et des équipements de loisir, ainsi que 155 hectares réservés à la « préservation et la valorisation de l’activité agricole ». Soit 308 hectares en tout, presque un quart de la surface de la commune. But de ce projet, selon l’agglomération d’Alès : « Compléter l’offre touristique et de loisirs du bassin alésien », « générer de l’emploi » (80 créations sont annoncées) et « renforcer l’offre d’hébergement, en préservant les espaces naturels ». Le site sera conçu « selon les normes écologiques », promet le document, et coûtera 18 millions d’euros. Pour convaincre, l’agglomération a mis les moyens, car les habitants de Saint-Hilaire sont appelés à se prononcer sur le projet ce dimanche 16 octobre.
À qui appartient l’eau ? (...)
« Ce projet n’apportera rien à la commune ni à l’agglo. Il est mal pensé, estime Jean-Michel Perret, le nouveau maire. Mais Max Roustan refusait d’admettre notre victoire et notre positionnement. Alors, pour sortir du blocage, j’ai décidé de proposer un référendum sur la commune. » Pour des raisons légales, ce sera en fait une « consultation ». Dans la campagne qui dure depuis quelques semaines, chaque partie affûte ses arguments. (...)
Au-delà de l’aménagement des « Hauts-de-Saint-Hilaire », ce sont donc des visions du développement du territoire, dont la population augmente, qui s’affrontent. Alès agglomération veut poursuivre les constructions avec une 2X2 voies, une nouvelle gare, d’autres zones d’activité économique. « Ce n’est qu’une pièce d’un énorme projet. Les derniers terrains agricoles et naturels du secteur vont disparaître sous l’urbanisation », s’inquiète Claude Taton. « C’est un vaste projet immobilier déguisé », enchérit Louis Julian. « L’agglomération achète des terrains à deux euros le mètre carré et les revend au prix du terrain constructible [de 30 à 100 euros selon les sources], elle dépossède les gens de leur propriété pour faire de la spéculation et financer le golf, ce n’est pas honnête ! » Les opposants pointent aussi les personnes à l’origine du projet : Jacques Bueno travaillait donc dans le BTP, et avec l’ex-maire de Saint-Hilaire Gérard Roux ils sont mis en examen, soupçonnés de ne pas avoir respecté les procédures d’appel d’offres pour certains travaux. (...)
Reste que le défenseur actuel du golf immobilier est le président de l’Agglo, Max Roustan. « Au conseil d’agglomération, les maires ne disent rien, ils votent tous les projets. Chacun a peur que ceux financés sur sa commune ne se fassent pas, ils le craignent tel un petit seigneur », regrette Béatrice Bernard Chamson, qui est aussi déléguée communautaire. Jean-Michel Perret fait partie des rares qui ne se laissent pas faire : « C’est de l’esbroufe », affirme-t-il.
Dimanche, les électeurs trancheront donc le duel entre les deux élus. Le président de l’Agglo s’est engagé à respecter le résultat de la consultation si au moins 20 % des Saint-Hilairois y participent. Le projet sera retiré si le "non" gagne. Quant au maire de la commune, il n’entravera pas le projet si le "oui" l’emporte.