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club de Médiapart/Association Paris sans sida
Pour la santé mentale des personnes LGBTQIA+, on agit quand ?
#sexualites #France #discrimination #sante
Article mis en ligne le 25 juin 2023

A la suite de la recrudescence des violences contre les personnes LGBTQI+, l’association Vers Paris sans sida interpelle sur les conséquences massives des agressions sur la santé mentale des concerné·es. Face aux manque de données et d’actions, elle démontre l’urgence de ce problème de santé publique et l’intérêt d’une prise en charge adaptée.

(...) Malgré des avancées dans le domaine des droits et des représentations, l’exposition aux comportements et violences LGBTQIphobes demeure forte à l’école, dans la famille et dans toute la société. Elle touche toutes les classes d’âge et les personnes vivant avec le VIH doivent y ajouter une sérophobie qui s’exprime aussi parfois au sein de la communauté elle-même. (...)

J’ai été frappé par les témoignages dans le très beau documentaire « Homos en France », diffusé sur France 2 le 16 mai dernier. En dépit du nombre important de films, de livres, de séries mais aussi en dépit des coming out de plus en plus nombreux de personnes connues dans tous les milieux, les récits des personnes interrogées dans ce film faisaient état d’une grande solitude lors de la découverte de l’homosexualité. Cette expérience du minoritaire, on la retrouve dans toutes les générations.

Je pensais naïvement que les avancées obtenues par nos combats depuis quatre décennies auraient suffi à faire diminuer ce mal être. Un peu sans doute, mais imparfaitement, certainement. Il y a aussi un contexte inquiétant. A plusieurs reprises ces derniers mois, on a vu des attaques sans précédent contre les personnes LGBTQI+. (...)

Les autorités de santé connaissent les chiffres de ce mal-être. Il n’est pas inutile de les rappeler. (...)

« les personnes LGBTQI+ sont davantage concernées par les troubles de santé mentale  : le risque d’épisode dépressif caractérisé, de pensées suicidaires et de tentative de suicide est multiplié au moins par deux par rapport à la population de personnes hétérosexuelles. Elles sont aussi plus à risque d’être victimes de violences physiques et/ou verbales l’année précédant l’enquête. Les analyses de médiation montrent que les violences vécues expliquent 25% d’avoir des symptômes dépressifs actuels chez les personnes LGBTQI+ par rapport aux personnes hétérosexuelles. » Dans le même BEH, Annie Velter soulignait le manque d’études sur la transphobie et de ses conséquences sur la santé publique. On ne peut pas non plus ignorer que d’autres facteurs de discrimination viennent s’ajouter et révèlent les rapports de domination liés au genre, à la classe sociale ou à l’appartenance à un groupe racisé. (...)

Les expériences de discrimination et de mal-être sont souvent aggravées par la stigmatisation dont font parfois l’objet les personnes LGBT et en particulier celles souffrant de problèmes de santé mentale chez de nombreux prestataires de soins de santé. La santé mentale a aussi un impact direct sur les actions de prévention. Dans un document de synthèse publié en 2020, l’agence des Nations unies contre le sida le reconnaissait elle-même : « Nous ne pouvons pas mettre fin à l’épidémie de sida si nous ne garantissons pas la santé mentale et le bien-être tout au long de la vie, en particulier chez les personnes et les communautés les plus vulnérables. »

Longtemps, les structures communautaires se sont peu mobilisées sur le sujet de la santé mentale. Ceci est en partie la résultante de décennies de lutte – légitime – contre la psychiatrisation, mais aussi d’un hiatus entre l’affirmation positive de la fierté et de la visibilité et ce côté sombre de l’expérience communautaire – la souffrance psychique – que l’on a trop longtemps ignorée. Depuis plusieurs années, la santé communautaire s’est pourtant saisie à bras le corps de ce problème de santé publique. A travers un travail exploratoire, France Lert, actuelle présidente d’honneur de Paris sans sida, et Elian Passier de Paris sans sida ont pu recenser les très nombreuses initiatives des acteurs de terrain à Paris et en Seine Saint-Denis.

Il nous faut continuer d’agir sur les deux tableaux (...)

Les actions en faveur de la santé communautaire sont hélas peu soutenues en France, alors qu’elle a fait ses preuves dans plusieurs pays anglo-saxons. (...)

Dans la Feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie du ministère de la Santé, il n’est jamais fait mention des problèmes spécifiques et des réponses à apporter aux personnes LGBTQIA+. Quant à la feuille de route en santé sexuelle, elle limite les liens entre santé sexuelle et mentale aux seul·es adolescent·es. Ce que demandent les intervenant·es : un dialogue efficace avec et pour les associations, la création d’un groupe de travail ad hoc entre les bureaux santé sexuelle et santé mentale, des consultations dédiées dans l’offre de soin. On attend des paroles fortes au plus haut niveau de l’État. Et cela doit commencer avec l’éducation. (...)