
Et si on prenait le problème des déchets à rebours des approches techniques portées par les pouvoirs publics ? C’est l’objet de l’alternative citoyenne zéro déchet, qui a fait ses preuves ailleurs dans le monde. L’association Zero Waste France dessine, avec son plan B’OM, les contours que prendrait une telle politique.
Opposition locale au projet d’hyper-incinérateur à Échillais (Charente-Maritime), abandon définitif du projet d’usine de méthanisation à Romainville, blocage des sites d’enfouissement de déchets en Corse... Ces événements récents posent une seule et même question : quelle politique de gestion des déchets mettre en place pour demain ?
Tous les projets cités répondent par une approche technique : incinérateurs, tri mécano-biologiques, mégadécharges… À grand renfort de nouvelles technologies, invoquées pour résoudre les problèmes posés par un volume de déchets toujours aussi important – bien que l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) constate une « stabilisation des déchets produits ». En France, le traitement des déchets représente le premier poste de dépense publique en matière d’environnement – 15,7 milliards d’euros – et il est géré à plus de 90 % par le secteur privé, « avec de juteux bénéfices », comme le rappelaient récemment des responsables du Front de gauche dans une tribune publiée par Bastamag. (...)
« Le zéro déchet est fondé sur un changement de paradigme favorisant la réduction à la source et la collecte séparée des biodéchets », explique Flore Berlingen, directrice de l’association Zero Waste France [1]. Une démarche déjà à l’œuvre ailleurs dans le monde (...)
« La marge de manœuvre est colossale, estime Flore Berlingen. Le meilleur moyen de démontrer l’inutilité de l’incinérateur, c’est encore de réduire le volume des déchets qui s’y destinent. » Pour cela, le plan B’OM s’appuie en premier lieu sur la gestion des biodéchets, ces détritus d’origine végétales ou animales, dont « la loi de transition énergétique rend obligatoire la collecte d’ici à 2025 », rappelle Antoinette Guhl, adjointe à la mairie de Paris en charge de l’économie circulaire et porteuse du Livre blanc du Grand Paris, qui fait la part belle à cet enjeu.
Présenté ce jeudi soir lors d’une réunion publique à Ivry-sur-Seine, le plan B’OM insiste sur le double levier de gestion de ces biodéchets : l’action individuelle, d’abord, par une « gestion de proximité » fondée, par exemple, sur un compostage domestique, en pied d’immeuble ou de quartier, l’action publique, ensuite, par la collecte séparée – rendue donc obligatoire à partir de 2025. À horizon 2023, l’association a fait le calcul : « Il est possible de détourner 310.000 tonnes/an de biodéchets de la poubelle des OMR (la poubelle dite “mélangée”) », à raison de 32 kg/hab/an de biodéchets collectés séparément par le service public et de 7 kg/hab/an grâce au compostage de proximité. Auxquels, il faut ajouter la réduction du gaspillage alimentaire, évaluée à 14 kg/hab/an.
Le grand chantier du papier et du carton
L’autre grand chantier du plan B’OM, c’est le papier-carton. « Dans les poubelles ‘’non-triées’’ de Paris, on trouve beaucoup plus de carton qu’ailleurs en France », souligne Flore Berlingen. En misant sur une politique de prévention et un meilleur système de collecte – comme à Toulouse, où il existe une collecte spécifique pour le carton dans les zones commerciales, par exemple – Zero Waste France prévoit de réduire de près de 215.000 tonnes le volume de papier et de carton aujourd’hui traité par incinération ou par mise en décharge. (...)