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jean Gadrey / Alternatives économiques
Pour en finir avec l’austérité et engager la transition : éliminer le surcoût rentier du capital et les paradis fiscaux
Article mis en ligne le 13 décembre 2013
dernière modification le 10 décembre 2013

Je vais m’appuyer d’une part sur une remarquable étude récente d’amis économistes (« Le coût du capital et son surcoût », Université de Lille1) et, d’autre part, sur une tribune publiée dans Libération par d’autres amis sous le titre « Éradiquer les paradis fiscaux rendrait la rigueur inutile » (29 avril). Les auteurs sont cités en fin de billet. Je vais donc célébrer à ma façon la fête du travail en faisant sa fête au capital

Ces deux familles de mesures (éliminer le surcoût rentier du capital et les paradis fiscaux) ne suffiront pas à changer de direction, mais elles pourraient donner le signal et les fameuses « marges de manœuvre ». La plus « facile » à mettre en œuvre rapidement dans le contexte actuel, en Europe en tout cas, concerne les paradis fiscaux. C’est celle qui rapporterait le plus aux finances publiques. Mais l’austérité présente n’est pas seulement publique (politique de freinage de presque tous les grands postes de financements des biens publics et collectifs, des associations, etc.). C’est aussi l’austérité salariale, dans le secteur des entreprises, qui nous est présentée comme inévitable pour « restaurer la compétitivité ». C’est là qu’interviennent mes amis économistes, et c’est avec eux que je commence.


IL FAUT BAISSER LE COÛT… DU CAPITAL

Jean-Marc Ayrault présentait ainsi, le 6 novembre 2012, son « pacte de compétitivité » issu du rapport Gallois, en provoquant une explosion de joie (contenue) au MEDEF : « Le Gouvernement a décidé de retenir une première mesure, massive, et sans précédent, l’allègement de 20 milliards d’euros du coût du travail… Cela représentera l’équivalent d’une baisse d’environ 6 % du coût du travail…. Il prendra la forme d’un crédit d’impôt, le “Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi” (CICE) ».

Il reprenait ainsi à son compte l’antienne patronale assimilant quête de compétitivité et baisse du coût du travail, ce dernier étant toujours et en tous lieux supposé excessif.

Mais pourquoi ne parle-t-on pas du surcoût du capital, du gaspillage de capital ? Les entreprises paient des sommes de plus en plus énormes à des actionnaires, des banques, des rentiers de toutes sortes, aux marchés financiers, etc. C’est sur cette question que cinq économistes, dont trois amis lillois, viennent de fournir un rapport de 160 pages. Je vais juste en donner une idée. Le cœur est l’analyse et la mesure des excès « de la norme de rendement financier imposée aux entreprises, laquelle réduit de manière directe les opportunités d’investissement ». Car des projets rentables, mais moins rentables que la norme, ne sont pas mis en œuvre. À ce niveau de rémunération, la propriété joue contre l’entreprise, contre l’emploi.

Le surcoût FINANCIER ET RENTIER du capital, c’est la somme des intérêts EXCESSIFS versés à la finance, des dividendes EXCESSIFS et autres profits distribués et non réinvestis, mais aussi des loyers EXCESSIFS divers soumis à la spéculation foncière et immobilière par d’autres rentiers ou par les mêmes. On peut y ajouter les sursalaires des très hauts cadres et dirigeants, car ils sont directement liés à la financiarisation de l’économie et c’est pour cela qu’ils sont exorbitants. Ce sont pour une part des rentes financières.

Ce surcoût, c’est de la rente (un revenu de simple possession) financière EXCESSIVE dépourvue de justifications économiques, au sens de l’économie réelle, et qui résulte d’un rapport de forces actuellement asymétrique en faveur des rentiers et de la finance. (...)