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Plus de précarité, moins de liberté : la loi sur les universités toujours aussi contestée
Article mis en ligne le 4 novembre 2020

La loi sur l’enseignement supérieur et la recherche est en passe d’être définitivement adoptée. Largement contestée, elle aggrave la précarité dans les universités, et s’attaque aussi aux libertés académiques et à l’indépendance des chercheurs.

La loi de programmation pluriannuelle pour l’enseignement supérieur et la recherche (LPPR) a été votée au Sénat le 30 octobre, après son adoption à l’Assemblée nationale fin septembre. Les parlementaires ont validé la création des « CDI de mission », pour recruter des enseignants-chercheurs seulement sur le temps d’un projet, ainsi que les « tenure track » – des recrutements en CDD de trois à six ans, avec une éventuelle titularisation à la fin. Ce sont deux nouvelles formes d’emploi précaire pour les enseignants-chercheurs. Et l’une des raisons pour laquelle universitaires et chercheurs contestent cette loi depuis des mois. (...)

La LPPR va aussi renforcer le mode de financement sur projet au détriment des financements pérennes, ce qui risque d’aggraver les inégalités entre universités. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a sévèrement jugé cette loi dans son avis [1] : elle n’est pas à la hauteur des besoins de financements de la recherche et des universités, qui accueillent toujours plus d’étudiants – 200 000 de plus en moins d’une décennie pendant que le nombre d’enseignants diminue. Le Cese a appelé à un recrutement massif d’enseignants-chercheurs titulaires, soit l’inverse de ce que prévoit la loi de la ministre Frédérique Vidal.

Avec 25 milliards prévus sur 10 ans, « le gouvernement s’engage pour les gouvernements suivants, pas pour lui »
(...)

Des amendements qui « détruisent la possibilité même de faire de la recherche »

Fin octobre, les sénateurs ont ajouté à la loi trois amendements inattendus, « qui n’ont rien à voir avec la programmation budgétaire mais qui détruisent le statut et la possibilité même de faire de la recherche », dénonce la sociologue d’Angers. Le 28 octobre, la sénatrice LR Laure Darcos a déposé un amendement qui affirme que « les libertés académiques s’exercent dans le respect des valeurs de la République ». Soutenu par la ministre de l’Enseignement supérieur, l’amendement a été adopté. Il vient donc modifier un article du code de l’éducation qui précise que « les enseignants et les chercheurs jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du présent code, les principes de tolérance et d’objectivité ». (...)

« Est-ce qu’un futur gouvernement qui serait encore plus autoritaire nous empêchera d’étudier les discriminations en France ? » (...)

Aujourd’hui, les universitaires peuvent travailler sur tous les sujets à conditions de respecter la loi. Ce qui permet la pluralité des recherches et que la recherche universitaire ne soit pas soumise à un agenda politique. Cet amendement vise clairement certains champs d’étude, à savoir l’intersectionnalité et les études postcoloniales. Est-ce qu’un futur gouvernement qui serait encore plus autoritaire nous empêchera d’étudier les discriminations en France ? » s’interroge la sociologue.