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Plaidoyer pour une Banque centrale européenne au service des peuples
Yves Besançon Economiste, professeur de sciences économiques et sociales
Article mis en ligne le 18 janvier 2021
dernière modification le 17 janvier 2021

Avec l’explosion des dettes souveraines en Europe, induite par la crise du Covid-19, l’idée de l’annulation de la dette publique détenue par la Banque centrale européenne (BCE) est de plus en plus questionnée. Une telle perspective salutaire ne règlerait pas pour autant l’un des problèmes institutionnels majeurs de la zone euro, à savoir le carcan monétariste qui enferme le statut de la BCE.

Avec l’explosion des dettes souveraines en Europe, induite par la crise du Covid-19, l’idée de l’opportunité et de la faisabilité de l’annulation de la dette publique détenue par la Banque centrale européenne (BCE) est de plus en plus questionnée par les économistes et journalistes. A n’en pas douter, la concrétisation d’une telle initiative, qui serait ô combien salutaire pour l’ensemble des économies de la zone euro, constituerait une véritable petite révolution au sein des institutions européennes.

Pour autant, qu’on se le dise, elle ne réglerait pas l’un des problèmes institutionnels majeurs de l’Euroland, à savoir le carcan monétariste dans lequel se trouve enfermé le statut de la BCE, qui doit donc être impérativement réformé dans le cadre d‘une renégociation des traités européens. Une telle perspective institutionnelle nous rappelle aussi que derrière les questions monétaires, et les discussions souvent techniques qu’elles suscitent au sein de la communauté des économistes et experts en tout genre autoproclamés, se joue avant tout un combat politique contre les néolibéraux, ceux-là mêmes qui ont confectionné les traités européens et gouvernent l‘Europe.

Par ailleurs, on ne rappellera jamais assez que la monnaie est un bien commun, au même titre que la démocratie, et qu’on ne saurait la réduire à sa seule fonction technique d’intermédiaire dans les échanges, comme le font à tort et de façon partisane les économistes libéraux. Les débats autour des institutions régulatrices de l’émission de la monnaie sont donc autant l’affaire des citoyens que celle des économistes, n‘en déplaisent aux économistes de la pensée dominante et aux gouverneurs des banques centrales des économies de marché, en particulier les actuels présidente de la BCE Christine Lagarde et gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau. (...)

faute d’une demande de crédit financièrement solide et suffisamment forte en provenance de l’économie réelle, les banques de second rang peuvent accumuler d’importantes liquidités, qui se retrouvent alors en grande partie sur les marchés financiers et immobiliers, ce qui provoque une montée du prix des actifs financiers et immobiliers. Or, ces bulles financières posent problème à deux niveaux. Non seulement elles constituent une source permanente d’instabilité financière dans la mesure où elles peuvent provoquer une crise financière en éclatant à tout moment et, par ailleurs, elles contribuent à aggraver des inégalités de patrimoine, qui se situent déjà à un niveau élevé (en France, les 10 % les ménages les plus riches possèdent près de la moitié du patrimoine de l’ensemble des ménages).

De telles limites ne se poseraient pas si la BCE pouvait prêter directement aux États. En effet, dans le cadre de prêts directs, les nouvelles liquidités ainsi créées par la BCE seraient injectées immédiatement et dans leur totalité, par l’intermédiaire de la dépense publique, dans le circuit de l’économie réelle. Et la BCE contrôlerait parfaitement le degré de verdissement de sa politique monétaire, en finançant directement des dépenses publiques d’investissement orientées vers la transition écologique et plus généralement au service d‘une économie décarbonée. Pour ce faire, c’est donc l’ensemble du statut de la BCE qui est à revisiter par une renégociation des traités européens. Sa gouvernance devrait être démocratique et non plus technocratique, comme c’est le cas aujourd’hui. Puisqu’une banque centrale est toujours par essence une entité étatique, alors, dans le cas idéal d’une gouvernance démocratique de la BCE, celle-ci n’aurait plus à être indépendante du pouvoir politique, mais devrait au contraire se fondre avec lui pour servir comme objectif premier, non pas celui restrictif du respect d’une cible d’inflation, mais celui du plein emploi dans une économie décarbonée et solidaire, proposant à tous des emplois stables, permettant de vivre dignement et justement rémunérés. (...)