
L’époque est sinistre. L’actualité est dominée par les « plans de rigueur » et autres « cures d’austérité ». De la Grèce à l’Italie en passant par le Portugal et la France, la « stratégie du choc » - décrite en 2008 par la journaliste Naomi Klein dans un livre brillant et prémonitoire (sous-titré « La montée d’un capitalisme du désastre ») - fonctionne à plein. L’euro vacille et pour le sauver, les peuples sont mis au régime sec. Et pas question de se révolter. Même l’idée de voter sur l’opportunité d’une telle politique est très mal vue… La monnaie est devenue une fin en soi, au lieu d’être un moyen.
« Dans son essence la création de monnaie ex nihilo actuelle par le système bancaire est identique (…) à la création de monnaie par des faux-monnayeurs (…). Concrètement, elle aboutit aux mêmes résultats. La seule différence est que ceux qui en profitent sont différents. » La citation est signée Maurice Allais. Non, pas Alphonse, le maître du bon mot, mais bien Maurice, seul Français titulaire d’un prix Nobel d’économie. Ces quelques phrases se lisent en exergue d’un petit livre intitulé « Désobéir à l’argent » (Le Passager clandestin, 2011). Chacun est libre de voir dans ce titre une provocation… ou de préférer l’interpréter comme une invitation. (...)
Les expériences relatées dans notre livre ont été conduites dans des îlots qu’on peut qualifier d’expérimentaux : les choses ont été vécues dans l’urgence et pas du tout avec le caractère réfléchi qu’on pourrait attendre d’une expérience. En Espagne ou en Israël, mais aussi pendant la dernière guerre, il y a eu beaucoup de troc. Sont réapparus clapiers, poulaillers, fruits oubliés, bricolages. Autre exemple, quand des communautés écologistes se sont installées, elles ont eu recours à « la récup », qui revalorise du matériel, mais aussi à des savoir-faire et à des capacités d’inventer qui sont le fond profond de la ressource humaine - au singulier.
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Le cœur du livre est constitué par un exposé objectif sur la possibilité d’autres systèmes monétaires. À la fin du livre, nous citons Prosper (référence à la revue et à ce qu’on peut trouver sur son site prosperdis.org) et son hypothèse d’une économie sans monnaie. La référence à Prosper a un caractère particulier. Car elle invite à réfléchir si les possibilités énumérées ne sont pas désormais dépassées.