
l y a plus de 40 ans, la guerre du Vietnam s’achevait. Pourtant des familles entières souffrent encore des effets de la guerre chimique américaine menée entre 1961 et 1971.
Aujourd’hui, plus de 3 millions de personnes souffrent de maladies graves, de cancers et de handicaps suite aux épandages de défoliants et d’herbicides, en particulier l’Agent Orange contenant de la dioxine. Plusieurs centaines de milliers d’enfants forment une 3e et une 4e génération de victimes atteintes de malformations et de dysfonctionnements graves du système immunitaire et nerveux.
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Vietnam : l’agent orange, une bombe à retardement
2013, Hô Chi Minh-Ville, Vietnam. À l’hôpital de Tu Du, un « Village de la Paix » accueille près de 60 enfants souffrant de lourds handicaps et malformations, séquelles de l’agent orange dont ont été victimes leurs parents. La plupart d’entre eux sont orphelins ou ont été abandonnés à la naissance. Onze autres villages de la sorte existent dans tout le pays et près de 40 ans après la fin de la guerre, les conséquences du conflit marquent encore cruellement les familles vietnamiennes.
Un herbicide meurtrier
Entre 1965 et 1973, les avions de l’US Air Force ont largué 80 millions de litres de l’agent orange au-dessus du pays. Ce puissant défoliant contenait une substance particulièrement toxique appelée dioxine. Il s’agissait d’éliminer la végétation dans laquelle se cachaient les combattants du Vietcong.
Mais l’agent orange n’a pas fait qu’anéantir la végétation, il a aussi eu des impacts considérables sur les populations. Il a provoqué des malformations congénitales, des cancers ainsi que des maladies du système nerveux. Durant la guerre, entre deux et cinq millions de personnes ont été directement affectées par les épandages de ce produit chimique. Pourtant, les pensionnaires des « Villages de la Paix » sont tous nés après guerre. Ils appartiennent à la deuxième et troisième génération victimes du terrible herbicide. (...)
Le refus américain de l’indemnisation
Le 3 février 1994, le président Bill Clinton lève l’embargo instauré à la fin de la guerre par les Etats-Unis contre le Vietnam. Mais parmi les conditions posées par le gouvernement américain à cette décision figure le refus de toutes réparations de guerre.
« Le gouvernement est très prudent par rapport à la reconnaissance de problèmes qui pourraient être assimilés par d’autres nations à ce que l’on pourrait appeler des crimes de guerre », estime Chuck Searcy, ancien combattant au Vietnam et membre de l’association américaine Veterans For Peace (Vétérans pour la paix).
Cette réticence à indemniser les victimes se manifeste également dans l’attitude des tribunaux aux Etats-Unis. En 2005, la justice américaine a rejeté la plainte d’une association vietnamienne contre les entreprises qui ont produit l’agent orange pour le Pentagone pendant la guerre, dont Monsanto et Dow Chemicals. Pour les juges, l’herbicide n’était alors pas un poison, selon le droit international, et il n’y avait donc pas d’interdiction à utiliser ce produit. Les industriels américains viennent pourtant d’être condamnés en Corée du Sud à indemniser trente-neuf anciens combattants de la guerre du Vietnam, victimes du défoliant.
Toute la chaîne alimentaire touchée
Les Etats-Unis ne peuvent pourtant pas ignorer la dangerosité de l’agent orange et de la dioxine qu’il contient. En 1949, déjà, l’explosion d’un produit contenant de la dioxine a lieu dans une usine de Monsanto. Elle provoque une maladie défigurante chez 228 ouvriers. Vingt ans plus tard, en pleine guerre du Vietnam, un de ses composants est interdit aux Etats-Unis. Le président américain de l’époque, Richard Nixon, suspend alors l’emploi du défoliant. Et aujourd’hui, les autorités indemnisent les vétérans de l’armée américaine intoxiqués par l’herbicide.
Au Vietnam, la question reste d’actualité. (...)
Le 9 août 2012, pour la première fois, Etats-Unis et Vietnam lancent ensemble des opérations de décontamination de l’herbicide sur l’un des sites les plus touchés du pays : l’ancienne base américaine de Danang. D’un budget total de 43 millions de dollars (34,8 millions d’euros) et financées en majorité par les Américains, les opérations devraient durer quatre ans. Washington a par ailleurs versé, depuis 1989, près de 54 millions de dollars pour aider les Vietnamiens handicapés, « quelle que soit la cause » de leur handicap. Pas question pour la Maison Blanche de reconnaître une quelconque responsabilité. L’aide est purement « humanitaire »…