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La vie des idées
Persistance du passé
Magali Bessone, Faire justice de l’irréparable : esclavage colonial et responsabilités contemporaines, Vrin 2019. 232 p., 19, 50 €.
Article mis en ligne le 5 janvier 2021
dernière modification le 4 janvier 2021

Les injustices historiques appellent-elles réparation ? Oui, écrit Magali Bessone, car ces injustices, loin d’appartenir à un passé révolu avec lequel nous aurions rompu, ont contribué à façonner nos croyances et nos institutions présentes, et persistent à travers elles.

Ces dernières années, nos espaces médiatiques sont de plus en plus occupés par les enjeux qui touchent de près ou de loin la justice réparatrice : les déboulonnements de monuments historiques aux États-Unis, en France, au Canada et en Angleterre, les critiques relatives à la sous-représentation des personnes racisées dans les productions artistiques qui parlent de leurs histoires, les demandes de restitution d’objets d’art à leur pays d’origine et de réécriture des manuels scolaires font souvent les premières pages de la presse d’opinion. Dans l’espace public, les polémistes s’étant emparés de ces sujets aussi complexes que sensibles, une grande confusion plane toujours au sujet des demandes de réparation des injustices passées. (...)

Dans Faire justice de l’irréparable : esclavage colonial et responsabilités contemporaines, la philosophe Magali Bessone propose « de sortir les réparations au titre de la traite et de l’esclavage de la polémique pour les problématiser » (p. 14). Son ouvrage très éclairant se donne pour double objectif de faire avancer la compréhension de ces demandes (de mettre en évidence ce qui s’y joue et clarifier les sources d’incompréhension à propos des demandes de réparation), et d’offrir un cadre d’interprétation qui permettra d’en évaluer la légitimité morale. S’il demeure impossible de réparer le passé, au sens de refaire l’histoire, indique Bessone, il n’en est pas moins pressant de considérer, avec sérieux et humilité, les demandes de justice qui s’expriment à travers les requêtes de réparation.
Ce qui est à réparer : la structure, et non le passé (...)

à partir du moment où l’on cesse de comprendre l’injustice passée en termes individualistes et légalistes (le protagoniste A d’une violation envers B doit réparer la faute X commise envers B) pour l’appréhender en termes structurels, on est invité à penser autrement ce qui est à réparer. Ce n’est pas le crime tel qu’il est temporellement situé dans le passé qui doit être puni et rectifié (logique corrective) ou financièrement compensé (logique compensatrice). Ce sont nos structures institutionnelles actuelles, en tant qu’elles sont toujours marquées par les inégalités raciales découlant des injustices historiques que sont les traites et les esclavages, et s’inscrivent dans le prolongement d’un passé esclavagiste, impérialiste et colonialiste qu’elles reconduisent, que nous devons réformer, avec la participation de chacune et chacun cette fois-ci. (...)

à partir du moment où l’on cesse de comprendre l’injustice passée en termes individualistes et légalistes (le protagoniste A d’une violation envers B doit réparer la faute X commise envers B) pour l’appréhender en termes structurels, on est invité à penser autrement ce qui est à réparer. Ce n’est pas le crime tel qu’il est temporellement situé dans le passé qui doit être puni et rectifié (logique corrective) ou financièrement compensé (logique compensatrice). Ce sont nos structures institutionnelles actuelles, en tant qu’elles sont toujours marquées par les inégalités raciales découlant des injustices historiques que sont les traites et les esclavages, et s’inscrivent dans le prolongement d’un passé esclavagiste, impérialiste et colonialiste qu’elles reconduisent, que nous devons réformer, avec la participation de chacune et chacun cette fois-ci. (...)

Le caractère structurel et persistant de l’injustice des esclavages

Les réticences sont cependant nombreuses à penser l’injustice raciale actuelle en termes structurels et persistants. En effet, certains admettent sans difficulté que ces structures ont émergé dans un contexte profondément marqué par des inégalités raciales et sexuelles, mais affirment que ces injustices structurelles ont déjà été corrigées : l’esclavage et la ségrégation seraient des spectres du passé qui continuent à nous hanter, certes, mais qui n’ont plus de réalité. Les droits politiques, économiques et sociaux ne sont-ils pas désormais étendus aux groupes qui en avaient été exclus pendant des siècles ? Autrement dit, l’égalité formelle n’est-elle pas reconnue ? Du point de vue de ces détracteurs de la réparation, les seules véritables injustices qui demeurent aujourd’hui sont le fait d’individus particulièrement malveillants : ce sont eux que nous devons condamner, et non pas « le système ». Bessone démonte cette « théorie de la pomme pourrie » appliquée à la question de l’injustice raciale. (...)

Le caractère structurel et persistant de l’injustice des esclavages

Les réticences sont cependant nombreuses à penser l’injustice raciale actuelle en termes structurels et persistants. En effet, certains admettent sans difficulté que ces structures ont émergé dans un contexte profondément marqué par des inégalités raciales et sexuelles, mais affirment que ces injustices structurelles ont déjà été corrigées : l’esclavage et la ségrégation seraient des spectres du passé qui continuent à nous hanter, certes, mais qui n’ont plus de réalité. Les droits politiques, économiques et sociaux ne sont-ils pas désormais étendus aux groupes qui en avaient été exclus pendant des siècles ? Autrement dit, l’égalité formelle n’est-elle pas reconnue ? Du point de vue de ces détracteurs de la réparation, les seules véritables injustices qui demeurent aujourd’hui sont le fait d’individus particulièrement malveillants : ce sont eux que nous devons condamner, et non pas « le système ». Bessone démonte cette « théorie de la pomme pourrie » appliquée à la question de l’injustice raciale. (...)

Le caractère structurel et persistant de l’injustice des esclavages

Les réticences sont cependant nombreuses à penser l’injustice raciale actuelle en termes structurels et persistants. En effet, certains admettent sans difficulté que ces structures ont émergé dans un contexte profondément marqué par des inégalités raciales et sexuelles, mais affirment que ces injustices structurelles ont déjà été corrigées : l’esclavage et la ségrégation seraient des spectres du passé qui continuent à nous hanter, certes, mais qui n’ont plus de réalité. Les droits politiques, économiques et sociaux ne sont-ils pas désormais étendus aux groupes qui en avaient été exclus pendant des siècles ? Autrement dit, l’égalité formelle n’est-elle pas reconnue ? Du point de vue de ces détracteurs de la réparation, les seules véritables injustices qui demeurent aujourd’hui sont le fait d’individus particulièrement malveillants : ce sont eux que nous devons condamner, et non pas « le système ». Bessone démonte cette « théorie de la pomme pourrie » appliquée à la question de l’injustice raciale. (...)

Magali Bessone est, à ma connaissance, la première philosophe qui s’attarde à faire cette démonstration dans le contexte particulier à la France. Elle retrace la succession des réformes institutionnelles et législatives opérées en France et dans ses colonies durant la période post-esclavagiste, pour montrer que, même lorsqu’elles visaient explicitement à corriger dans le droit un statut inférieur, elles se sont souvent accompagnées de mesures visant à perpétuer l’avantage des Blancs sur les membres des groupes racisés. (...)

Ni corriger, ni compenser, mais transiter vers la justice (...)

Distinguer la culpabilité rétrospective de la responsabilité politique prospective (...)