Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
[Attac33] Le Ptitgrain n°346
Pas envie de devenir milliardaire !
Jean - Luc Gasnier
Article mis en ligne le 3 novembre 2015

En 2003, Nicolas Baverez, essayiste libéral de renom, avait publié un livre, intitulé « La France qui tombe », pour déplorer le déclin économique français, provoqué selon lui par une étatisation et une fiscalité trop invasives. C’était sous la présidence de Jacques Chirac mais juste après l’élection présidentielle de 2002 et la période de cohabitation avec Lionel Jospin, marquée, comme on le sait, par une socialisation effrénée de la société.

Aujourd’hui, sous la présidence de François Hollande, la France mérite sans doute toujours les foudres de Nicolas Baverez : aux yeux des libéraux, le bilan économique du gouvernement est catastrophique et ne devrait pas s’améliorer. Malgré tous les signes d’allégeance à la doxa libérale et les cadeaux consentis au patronat, François Hollande reste, quoi qu’il fasse, un socialiste repenti, un libéral timoré, et un bien piètre président. Quand on trahit les valeurs qui vous ont permis d’accéder au pouvoir, il est bien rare d’être admiré par le camp adverse.

Mais, « La France qui tombe » est un slogan qui peut désormais être repris par la mouvance altermondialiste car il traduit aussi la dégradation de la position de la France dans les classements réalisés par les ONG concernant la corruption et le respect des droits de l’homme et du citoyen.

Certaines affaires, les comptes en Suisse de l’ancien ministre du budget Jérôme Cahuzac, les lingots d’or de madame le Maire de Puteaux, la villa aux Antilles des Balkany, font la une des médias et nous alertent sur le phénomène corruptif ; des personnages indélicats sont données en pâture à l’opinion. Le pouvoir peut d’ailleurs, paradoxalement, en tirer avantage : une justice indépendante poursuit et traduit devant les tribunaux les brebis galeuses quelles que soient leurs positions, autant de signes d’une lutte impitoyable contre la délinquance financière. Mais cette corruption spectaculaire, dont la répression est instrumentalisée par le gouvernement, n’est que la partie émergée d’un phénomène de grande ampleur qui ne se limite pas à quelques cas particulièrement choquants. Comment imaginer, dans une période où la réussite matérielle est autant valorisée, que la privatisation de nos services publics ne génère aucune opportunité de profit, immédiat ou différé, de la part des responsables chargés de la mettre en œuvre ? Comment peut-on penser que nos hauts fonctionnaires, devenus maîtres dans l’art du pantouflage (un millier de fonctionnaires passent chaque année du public au privé) , ne soient pas soumis aux nombreux conflits d’intérêts qui naissent de la porosité grandissante entre privé et public ? D’après le dernier rapport de Transparency International, la France est un des pays d’Europe les plus corrompus : son classement le place loin derrière le Luxembourg et à égalité avec le Qatar ! Une grande opacité entoure tous les mécanismes de détournement des fonds publics et « il est donc très difficile d’avoir, en France, une vision précise des formes que prend la corruption » ; de plus, l’administration « n’a pas créé la base de données publiques essentielles qui recense les condamnations pour corruption ».

Et la France est aussi un pays où les libertés s’amenuisent à une vitesse plus grande que dans les autres pays européens. L’ONG américaine Freedom House vient de publier son rapport annuel sur le degré de liberté numérique de 65 pays du monde. Le journal « Telerama », qui en reprend les conclusions, note que « La France est l’un des pays où la liberté d’expression sur le numérique a le plus reculé ». Au niveau mondial, seule la Libye fait pire. D’après le rapport, « la situation a décliné principalement suite aux mesures problématiques adoptées dans la foulée des attentats de Charlie Hebdo, à l’image de l’interdiction des contenus pouvant être qualifiés d’apologie du terrorisme, les poursuites d’internautes et l’augmentation significative de la surveillance ».
Une France corrompue et affairiste est une France qui respecte de moins en moins les libertés civiques essentielles, qui met sous surveillance et tend à criminaliser les mouvements de contestation du capitalisme et de ses nouvelles formes d’oppression car le pouvoir suprême, indépassable, est exercé par l’argent. Il est de plus en plus difficile pour nos dirigeants socialistes de concevoir et de protéger d’autres libertés que celle d’entreprendre, de produire (à peu près n’importe quoi et n’importe comment), et de consommer. Pour lutter contre le changement climatique, vous pouvez utiliser des ampoules basse tension, recharger votre portable avec un capteur solaire ou vous laver les cheveux avec un shampoing bio mais vous aurez toutes les peines du monde à manifester et à dénoncer l’indigence des mesures proposées par les gouvernements des pays occidentaux : les altermondialistes ne seront pas les bienvenus à la conférence climatique de Paris au mois de décembre prochain, les autorités françaises ont demandé « la réintroduction temporaire des contrôles aux frontières intérieures avec la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie et l’Espagne à l’occasion de la COP 21 » afin de pouvoir refouler les indésirables . Malgré toutes les garanties fournies par ATTAC France, le président d’ATTAC Togo n’a pas pu,par exemple, obtenir de visa. Face à un problème majeur qui concerne au premier chef la société civile, le gouvernement affiche clairement sa volonté de contrecarrer la mobilisation afin de limiter au maximum la contestation et le succès du contre-sommet. (lire ici l’article du journal Reporterre)

Vous êtes libre mais à condition de nager dans le sens du courant, et le maître-nageur vous surveille.

A l’occasion de la COP 21, le message gouvernemental adressé à la jeunesse est celui du dynamisme et de l’espoir : si vous avez la volonté de réussir et si vous êtes imaginatif, vous profiterez des opportunités offertes par le changement climatique et vous deviendrez peut-être milliardaire !

Hélas, les jeunes militants altermondialistes, les zadistes de Sivens ou de NDDL, n’ont pas « envie de devenir milliardaire » dans la société d’Emmanuel Macron. Ils veulent exercer pleinement leurs droits de citoyens et rester véritablement libres : libres de concevoir d’autres modèles d’organisation sociale, libres de vivre dignement et de ne pas courber l’échine devant le patronat.

Alors le pouvoir doit bien se résigner à surveiller, à réprimer, et à imposer un modèle de développement insoutenable et périmé.

Vendredi, la préfecture de Loire-Atlantique a annoncé la reprise des travaux de construction de l’aéroport de NDDL en 2016. . .