
Plusieurs cadres travaillant pour le gendarme des marchés financiers sont partis poursuivre leur carrière dans des secteurs qu’ils étaient supposés réguler, sans que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique soit saisie. Au même moment, l’Élysée envisage de porter à la tête de l’AMF une figure connue de la finance.
Il arrive fréquemment que des pantouflages alimentent la controverse publique. Mais il ne s’agit, le plus souvent, que des départs vers le secteur privé de hauts fonctionnaires issus des grandes directions de l’État. Il existe pourtant d’autres pantouflages, parfois tout aussi scabreux mais dont on ne parle guère, et qui mériteraient attention. Par exemple ceux des dirigeants des autorités publiques ou administratives indépendantes. Car dans ce cas, on relève des passages dans le secteur privé qui soulèvent de graves questions déontologiques, mais dont personne ou presque ne parle.
L’Autorité des marchés financiers (AMF) est emblématique de ce cas de figure. Car plusieurs pantouflages controversés viennent d’y intervenir depuis le début de l’année, mais cela n’a pas fait la moindre vague. Et dans le même temps, on apprend que l’Élysée envisage de porter à la tête du régulateur une figure connue de la finance. En résumé, ces indices attestent d’une porosité très forte entre l’AMF et la finance qu’elle est supposée réguler, tout cela en complicité avec les sommets de l’État. (...)
« Avec l’arrivée d’Anne Maréchal, De Gaulle Fleurance a pour ambition de renforcer la pratique boursière et d’être la référence en matière d’actifs numériques et de blockchain (Cryptomonnaies, jetons, security Token, stable coins, Métavers, NFT…), en accompagnant les entreprises et les États dans leurs projets de plus en plus nombreux sur ce marché en développement. » (...)
nulle mention d’un possible conflit d’intérêts : d’un côté comme de l’autre, il semble normal que l’une des personnes chargées de la régulation des marchés financiers, et notamment des actifs numériques, passe du jour au lendemain au service de l’un des acteurs de ce même marché. (...)
Tapis rouge pour la société Binance
Ce pantouflage retient d’autant plus l’attention qu’il n’est pas le seul. Comme l’a raconté Mediapart, la direction du gendarme boursier a accepté en début d’année, sans y trouver rien à redire, que Stéphanie Cabossioras, directrice adjointe des affaires juridiques du régulateur (la principale collaboratrice, donc, d’Anne Maréchal) rejoigne la direction de la société Binance, une des principales plateformes d’échange de cryptomonnaies. (...)
Binance est une de ces sociétés champignons comme en connaît le monde numérique. Créée en 2017 à Hong Kong, la plateforme d’échanges d’actifs numériques a rencontré un succès fulgurant qui a permis à son fondateur, Changpeng Zhao, de devenir milliardaire en quelques mois.
La plateforme s’est rapidement imposée comme une des plus grandes plateformes mondiales, effectuant, selon les estimations, plus 1 000 milliards de dollars d’échanges par mois. Binance offre une très grande gamme de produits financiers, permettant à des particuliers de spéculer avec des effets de levier gigantesques (jusqu’à 125 fois la mise initiale), au risque de tout perdre. La sulfureuse société a d’ailleurs elle-même été empêtrée dans le krach que ce secteur a connu, et a par surcroît été accusée de blanchiment.
Or, dans ses fonctions de directrice adjointe des affaires juridiques de l’AMF, Stéphanie Cabossioras, a eu la charge d’adapter la nouvelle réglementation pour les prestataires de services sur actifs numériques. Elle l’explique elle-même sur son compte LinkedIn (...)
Pour la très controversée société Binance, elle aussi a donc été une belle prise. La suite de l’histoire semble en attester (...)
Le contournement de la HATVP en question (...)
des pantouflages, il y en a encore d’autres à l’AMF, beaucoup d’autres, dans la période récente. On peut même parler d’une véritable hémorragie. En juin dernier, le journal Les Échos soulignait ainsi que dans le rapport annuel de l’AMF, il était fait état du départ de 10 % des effectifs en 2021, et 7,5 % l’année d’avant. Et dans le lot, de très nombreux autres cadres du régulateur ont rejoint des noms connus de la finance.
Parmi les départs récents, le quotidien économique évoque ainsi celui de « Julie Ansidei, chargée de la finance durable à l’AMF », et qui « a rejoint le gérant d’actifs BlackRock comme responsable de l’investissement durable ». (...)
Pourquoi autant de départs ? Pour quels cas y a-t-il un possible conflit d’intérêts ? En réponse à nos questions, la direction de l’AMF nous a adressé un message détaillant les règles légales qui encadrent les pantouflages (message que l’on trouvera dans sa version intégrale dans les annexes de cet article). (...)
Porosité croissante (...)