
Air France aujourd’hui, les « Conti » et bien d’autres hier, demain à qui le tour ? Vous peut-être ? Le climat social devient de plus en plus tendu à chaque nouveau plan de licenciement et de liquidation des salariés. Et à chaque fois, une belle unanimité se fait jour dans les médias ainsi qu’au gouvernement et dans l’opposition pour exprimer indignation et condamnation face aux « violences » qui auraient été exercées par des salariés en colère.
(...) Il ne serait pas inutile, dans un contexte d’amnésie collective entretenue par nos gouvernants et les médias, de rappeler que l’histoire du mouvement ouvrier et de ses conquêtes, depuis ses origines jusqu’à nos jours, a été ponctuée de violences et de répressions : les journées de juin 1848, la Commune de Paris en 1871… Est-il si loin le temps où l’armée tirait sur les grévistes et les enfants de Fourmies (1891) ? Est-il si loin le temps où l’on pendait à Chicago les travailleurs en lutte pour la journée de 8 heures (1886) ? Cet événement est à l’origine de nos défilés du 1er mai. Sur une stèle du cimetière de Waldheim, à Chicago, sont inscrites les dernières paroles de l’un des syndicalistes condamnés, Augustin Spies : « Le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd’hui ».
Est-il si loin le mois de juin 1936 avec ses occupations d’usine par les grévistes ? Est-elle si loin l’année 1948 qui vit le monde du travail s’embraser en France ? (...)
Quels intérêts défendent aujourd’hui ces syndicats dont les dirigeants déclarent avoir honte ou s’indigner de violences indignes ? Condamnent-ils avec la même force et la même indignation la violence faite aux travailleurs par le patronat et ses serviteurs zélés ?
Le capitalisme s’est instauré par la violence et ne peut perdurer que par la violence. La constitution d’une société capitaliste, de par son mode de production, légitime les pires exactions à l’encontre des travailleurs. Il ne faut donc pas faire semblant de s’étonner quand ces mêmes travailleurs relèvent la tête résolument pour s’opposer, parfois vigoureusement, à l’exploitation féroce dont ils sont l’objet afin d’instaurer un monde plus juste. « Le droit à sa colère et la colère du droit est un élément du progrès » écrivait Victor Hugo.
Il ne serait pas inutile de rappeler aussi que les « valeurs républicaines » dont aiment à se parer nos gouvernements de droite comme de gauche, reposent sur des fondamentaux acquis par la lutte et la révolte populaire. (...)
L’histoire de la construction républicaine est ponctuée d’émeutes, d’insurrections et de conflits parfois violents : juillet 1830, février 1848, loi de séparation des Églises et de l’État (1905), loi Weil (1975)…
Sans oublier non plus que le programme du Conseil National de la Résistance n’aurait pu voir le jour sans la lutte armée contre l’occupant nazi et l’État français du maréchal Pétain. Programme élaboré par des personnes qui avaient expérimenté de près jusqu’à quel degré de barbarie le capital était capable d’aller pour engranger toujours plus de profits et mettre les peuples à leurs bottes. (...)
N’oublions jamais que ce qui fait les bonnes réformes, c’est quand la classe populaire montre les dents. En fait, les partis institutionnels et nos hommes politiques n’ont pas envie de grands mouvements populaires qui s’émanciperaient de leurs tutelles, et il faut se souvenir que les grandes avancées sociales ont été arrachées par la lutte, et non par la volonté d’un gouvernement, fût-il de gauche. (...)
La démocratie du système, telle qu’elle est, est en crise car elle produit sans cesse des politiques à l’image de la classe dominante. Tant que l’on accepte cet état de fait, il devient très compliqué de se battre contre les politiques menées par les gestionnaires de l’Etat bourgeois. Il faut construire une autre forme de légitimité démocratique, celle du bas vers le haut. N’oublions jamais que nous n’aurons que ce que nous prendrons, et tant que nous resterons dans les clous et les limites fixées par nos exploiteurs, nous n’obtiendrons rien !