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Non-Fiction
PAKISTAN - Une piètre condition féminine
Article mis en ligne le 23 août 2014
dernière modification le 18 août 2014

Malala tente un exercice périlleux alors qu’elle réside désormais à Birmingham, ville anglaise qui accueille une importante communauté pakistanaise dont une frange non négligeable adhère à un islam rigoriste. L’adolescente, alliant impartialité et modération, s’attache à porter un regard critique sur la société dont elle est issue. Elle aborde le pauvre développement de la République Islamique du Pakistan mais aussi la piètre condition féminine.

Ainsi Shahida, aide-ménagère qui travaillait chez ses parents, n’avait-elle que dix ans lorsque son père la vendit à un vieil homme qui, déjà marié, souhaitait une jeune épouse. Il opta, devons-nous ici préciser, pour une fillette car le coût d’une adolescente était sans doute supérieur. Les sociétés rurales du sous-continent (toutes confessions religieuses confondues) sont, en tout état de cause, familières d’unions à un âge précoce, et cela, en dépit de législations les prohibant. Une très grande pauvreté mais également un imaginaire politico-social sous-continental qui fait des filles et femmes de condition inférieure des biens échangeables explique de tels usages.

« Si des filles disparaissaient, ce n’était pas toujours », écrit Malala Yousafzai, « parce qu’on les avait mariées1. L’auteure aborde la problématique des crimes d’honneur que le Pashtunwali valide. Elle donne l’exemple d’une voisine, Seema. Celle-ci, âgée d’à peine quinze ans, entretenait une amourette qui n’était faite que de regards furtifs qu’elle lançait de temps à autre à un garçon. L’on annonça, un jour, qu’elle s’était suicidée, mais Malala Yousafzai apprit plus tard que sa famille l’avait empoisonnée. Autre pratique que l’adolescente se contente de mentionner : celle de la swara – qui permet à deux familles de résoudre un différend en faisant don de l’une de leurs filles ou en recevant une de la partie adverse ; les mariages qui en découlent scellent un accord aux termes duquel la partie féminine, parfois pas même pubère, est affublée d’un homme souvent bien plus âgé. La nouvelle épousée, qui rejoint une famille élargie, se doit de satisfaire au service d’une belle-mère traditionnellement irascible tandis que sa belle-famille, quelquefois soucieuse de vengeance, peut transformer sa vie en calvaire.

Il est d’autres coutumes archaïques que nous souhaiterions, pour notre part, mentionner, tel le mariage au Coran dont la province du Sindh use. Les familles soucieuses de préserver un statut social supérieur peuvent, faute d’un prétendant acceptable, interdire implicitement à leurs filles tout mariage, les liant d’une manière irrévocable au Coran2. Celles-ci demeurent au sein d’une structure familiale qui se charge d’elles jusque dans leur vieillesse ; elles ont souvent un statut bien plus enviable que leurs consœurs, puisqu’elles sont libérées de la férule maritale et de trop fréquentes maternités. Seule ombre au tableau : une nécessaire virginité…

L’union entre cousins germains est fréquente, une coutume qui a pris le rang de tradition. (...)

Quant aux crimes dits d’honneur dont l’ensemble du territoire pakistanais est le champ, ils témoignent de la permanence d’un patriarcat qui entend maintenir son emprise sur les corps de femmes. Cette sanction a, au Pakistan, diverses appellations. Elle frappe autant les femmes mariées que les femmes célibataires, lorsqu’elles sont soupçonnées d’entretenir voire d’envisager une liaison voire un simple rapprochement ; la promesse de mariage par le coupable n’induit aucune clémence. (...)

Malala Yousafzai, se faisant le chantre d’un meilleur statut féminin en République Islamique du Pakistan, se doit d’adopter une attitude irréprochable ; elle vise à devancer les critiques promptes à la soupçonner voire à l’accuser de renoncer aux valeurs politico-religieuses nationales pour adhérer à un Occident jugé décadent. Sa récente notoriété a, comme nous l’avons déjà souligné, provoqué dans l’État dont elle est originaire une levée de boucliers. En tout état de cause, l’adolescente qui a toujours refusé de voiler son visage continue de couvrir ses cheveux d’une manière lâche : elle témoigne ainsi de son refus du rigorisme mais également de son attachement à une tradition qui fait de ce que les cultures musulmanes nomment la modestie féminine une valeur clé. Elle a d’ailleurs choisi, en couverture de son ouvrage, une photo où elle répond aux critères de simplicité des jeunes filles provinciales, alors même que les salons d’esthétique - très répandus dans le sous-continent - proposent des nettoyages de peau et une épilation de sourcils trop fournis. (...)