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Kurdistan au féminin
« Le mouvement Jin, Jiyan, Azadi vise à reconquérir le corps, l’esprit et la volonté des femmes »
#femmes #Iran #Kurdistan #alternatives
Article mis en ligne le 23 septembre 2025
dernière modification le 20 septembre 2025

À l’occasion du troisième anniversaire du mouvement « Jin, Jiyan, Azadî » déclenché par le meurtre barbare de Jina Mahsa Amini, Warisha Moradi, activiste kurde condamnée à mort par les mollahs, a publié un manifeste appelant à la refondation de la société, de la démocratie et de la collectivité sous un leadership féminin. (...)

Voici la lettre de Varisheh Moradi :

« À tous ceux dont le cœur bat aux mots « Jin, Jiyan, Azadi »

Ce troisième anniversaire marque l’éclat suscité dans les cœurs par le mouvement « Jin, Jiyan, Azadi ». Ce mouvement n’est ni une simple explosion de colère ni la revendication partielle d’un groupe ; il est complexe et multidimensionnel. Le spectre de ses revendications s’étend des libertés individuelles et collectives au droit à l’autodétermination collective ; des droits économiques fondamentaux à la justice culturelle et linguistique ; et de la résistance à l’oppression de genre à l’exigence d’une société véritablement démocratique. Chacune de ces revendications est un maillon d’une chaîne visant à recréer des structures et des rapports de pouvoir – des rapports actuellement fondés sur la domination, la violence et la reproduction des inégalités. (...)

L’idée sur laquelle nous nous appuyons est celle d’une société démocratique, écologique et éprise de liberté – une société qui ne soit ni simpliste ni purement émotionnelle. Les transformations engendrées par ce mouvement sont profondes et fondamentales, et non superficielles ou accidentelles. Nous n’assistons pas seulement à une évolution des espaces publics ou des slogans, mais à une transformation fondamentale de notre conception de l’ordre social : qui a le droit de décider et comment nous interprétons la « vie démocratique collective ». Dans ce contexte, le concept de « vivre librement ensemble » redéfinit les relations humaines et sociales, des structures familiales à la sphère publique. Ce mouvement a démontré qu’aucune réforme ne sera durable sans une reconstruction des structures. Notre lutte vise donc à reconstruire les institutions, les cultures et les mentalités, et non pas simplement à occuper la scène politique. (...)

Les slogans qui expriment les réalités et les expériences de groupes sociaux, tels que les classes sociales, les races, les femmes, les peuples et les cultures opprimées, sont des symboles de résistance, d’espoir et de quête de liberté. Ces slogans sont des produits de l’histoire, où les mots trouvent leur sens et s’entremêlent à la vie. Par le son et la parole, ils transmettent la force vitale de ceux dont les voix sont réduites au silence ou ignorées. Ce faisant, ils créent un espace convaincant et transformateur de résistance et de libre création.

Au cœur de ce renouveau se trouve le rôle pionnier des femmes. Il est important de comprendre qu’être femme n’est pas seulement un fait biologique, mais que le « féminin » est un état d’esprit, une domination éthique et politique, et une avant-garde idéologique qui guide la société vers la libération, la solidarité et la démocratie. Par « avant-garde féminine », j’entends une femme qui remet en question les rôles imposés et propose une mentalité qui rejette la domination. Cette mentalité envisage la redistribution du pouvoir, la démocratisation des relations et l’acceptation des différences. En ce sens, la liberté des femmes a toujours été synonyme de liberté sociétale. (...)

on oublie qu’une mentalité libératrice ne peut être détruite par la corde, la prison ou les décrets. De tels ordres ne sont pas des signes de force, mais plutôt l’aveu d’une légitimité affaiblie et d’une peur de la propagation des idées. Lorsque l’attention se déplace de la politique vers la suppression des symboles, cela indique que le dialogue et le changement sont perçus comme de sérieuses menaces. Le traitement des femmes emprisonnées s’inscrit dans ce projet de vengeance – vengeance contre « Jin, Jiyan, Azadi » – et témoigne de l’impact profond du mouvement.

Ils peuvent chercher à freiner le mouvement social par des décisions judiciaires, mais ils ne pourront jamais effacer la mentalité d’avant-garde qui l’inspire. Tant que les gens resteront fidèles à leurs pensées et à leurs actions, et tant qu’ils continueront à rechercher de nouvelles définitions de la liberté et de la démocratie, chaque condamnation ne fera que renforcer leur détermination.

La poursuite des idéaux « Jin, Jiyan, Azadi » est une nécessité historique. Cet idéal comble le fossé entre la théorie et la pratique quotidienne. C’est un moyen d’organiser, d’éduquer politiquement, de construire des institutions démocratiques parallèles, d’intégrer le rôle des femmes dans le leadership collectif et de reconstruire l’économie, la culture et les systèmes judiciaires sur la base de la dignité humaine. (...)

Nous devons démontrer que le rôle d’avant-garde des femmes n’est pas seulement un plaidoyer, mais un plan d’action qui transforme la sphère publique et permet une vie plus égalitaire.