
Le « sommet » de la finance climatique à Paris témoigne de l’impuissance des Etats à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais laissés à eux-mêmes, les marchés financiers ne peuvent pas changer la donne.
Ce n’était sans doute pas voulu, mais le One planet summit, organisé à Paris le 12 décembre, intervient vingt ans quasiment jour pour jour après la signature du Protocole de Kyoto, le 11 décembre 1997. On a oublié l’importance de cet accord pionnier, par lequel les États les plus industrialisés s’engageaient à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Il avait résonné comme un coup de tonnerre, avant qu’en 2001, le nouveau président des États-Unis, George W. Bush, se retire de l’accord.
Cela vous rappelle quelque chose ? Oui, bien sûr : le retrait de Donald Trump de l’Accord de Paris, signé en décembre 2015 et pourtant bien moins contraignant que le Protocole de Kyoto.
Cet échec de la politique du changement climatique signe certes l’incapacité des États-Unis à transformer leur système pour l’adapter aux temps nouveaux, ainsi que leur perte d’influence géopolitique. Mais il témoigne aussi d’un changement plus profond : l’impuissance des Etats à infléchir véritablement les tendances de la machine économique. La raison en est simple : depuis vingt ans, la mutation néo-libérale n’a cessé de s’approfondir, donnant toujours plus de pouvoir à la finance, aux banques, et aux grandes multinationales.
C’est ce qu’enregistre le pragmatique Emmanuel Macron, ancien banquier de Rotschild : la politique est en fait subordonnée à la finance. D’où l’idée de pousser la finance à agir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Cette évolution est cohérente avec le système oligarchique dans lequel sont entrées les ex-démocraties occidentales : la fusion de l’appareil d’Etat et des grands intérêts économiques. Elle implique qu’on ne peut avancer dans une direction que si ces grands intérêts l’acceptent, parce... qu’ils y trouvent leur intérêt.
L’inconvénient de la présente démarche est que la finance ne peut pas régler un problème qu’elle contribue largement à créer. (...)
Ainsi, alors qu’il est bien prouvé que le développement des échanges internationaux de marchandises contribue à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se réunit en ce moment même en Buenos Aires pour valider de nouveaux traités de libre-échange.
Enfin, le prodigieux développement de la finance depuis trente ans s’est opéré au moyen d’une redistribution globale des richesses et des revenus entraînant des niveaux records d’inégalité. Or, là encore, il est maintenant bien établi par les économistes que l’inégalité est contradictoire avec une réduction globale des émissions de gaz à effet de serre.
Il y a donc peu de chances que la belle opération de communication de M. Macron - qui vise incidemment à prendre à Londres une part des marchés financiers après le Brexit - ait un effet réel sur la situation du changement climatique.
Faut-il pour autant abandonner tout espoir de peser sur le tranquille cynisme du monde financier ? Non, pas tout à fait. Parce qu’après tout, si une évolution marginale mais réelle semble s’opérer dans la voie du désinvestissement des activités fossiles, c’est sous la pression des mouvements citoyens (350.org ou Faucheurs de chaises).
Les grandes banques et les grandes multinationales, devenues toutes puissantes, ont une faiblesse : leur image publique. Il y a là un moyen d’action que les activistes du climat peuvent utiliser. Mais il ne sera vraiment efficace que si la politique reprend la main sur la finance. Pour changer la donne, il faut des règles, c’est-à-dire des contraintes. Cela s’appelle la loi. Et c’est de la politique que doit naître la loi.