
Comment peut-on parler de « l’amour confiné » alors qu’à la base de l’amour il y a ce sentiment intense, ce sentiment où toutes les affections d’attachement vigoureux s’explosent pour s’unir dans des gestes singuliers qu’on appelle amour.
L’Amour, je l’écris en mettant une majuscule. Sans l’amour que serait-elle cette vie que nous lui découvrons grâce à Covid-19, un autre visage que seuls les incarcérés le connaissent : C’est qu’il y a une autre vie, celle qu’on nomme une vie anormale. Cette fois, la chose n’est pas dûe à des incarcérations réservées aux personnes qu’on entraine dans des lieux pénitenciers. Elle a été ramenée par la puissance d’un virus invisible, trop minuscule pour être observé. Il a enfermé tout le monde sur terre et grâce à cet embryon les confinés ont découvert le côté anormal de la vie. Mieux, ils ont tant apprécié la vie et ont décelé comme si cela était la première fois qu’ils l’aiment tant, et que sans sa normalité, elle ne vaut pas d’être vécue. (...)
Du côté amour, le virus n’est pas un ennemi. Il n’est pas transmissible. De crainte qu’on se contamine les uns les autres, il n’est pas permis de se saluer avec les mains, il est interdit de s’embrasser. Mais entre amoureux rien n’est défendu. On peut se permettre tout ce qui est en dehors de l’amour est prohibé. Ainsi, vous pourrez faire comme dans le tableau de Franc Dicksee crée en 1884 et où l’extravagant amour de Roméo et Juliette est éternisé. Mais là, dans le tableau où est peinte cette foudroyante et magnifique histoire, le verbe « aimer » est aussi valorisé que le substantif « amour ». (...)
« L’amour libre » est un concept philosophique opposé à un autre qui ne l’est pas : « l’amour confiné ». (...)
On ne confine pas des sentiments d’amour, ni aucun autre sentiment, de là est née la possibilité de confiner les corps, et l’impossibilité de confiner le puissant sentiment d’aimer la vie, la vie normale. C’était une grosse bêtise de voir les langues extraire le verbe « aimer » du substantif « amour ». Ce fort attachement affectif devrait être adjoint à un verbe aussi restreint qu’il l’est son patronyme. Car le verbe « aimer » est trop large et englobe le tout, alors que l’amour est trop étroit. Heureusement que la belle expression « tomber amoureux » est là pour faire la distinction appropriée... Sa signification, depuis Platon et jusqu’à (la sainte) « révolution sexuelle » en passant par Racine, est restée la même.
On ne confine pas l’amour, on ne confine pas la vie, même quand on confine les corps.