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On a lu un livre écrit par une IA pour savoir si elles allaient remplacer les humains
Les intelligences artificielles sont-elles capables d’écrire un bon livre ? On en a lu un pour le savoir.
Article mis en ligne le 3 novembre 2019
dernière modification le 2 novembre 2019

Il y a quelques jours, j’ai reçu la version PDF d’un livre dans ma boîte mail : Dinner depression, de Julia Joy Raffel. Vous ne connaissez pas cette autrice ? Vous n’êtes pas le seul. En faisant une recherche Google, on ne trouve presque aucune trace d’elle. Pas de biographie sur Wikipédia, pas d’interviews, pas de revues de libraires, pas de comptes sur les réseaux sociaux… et c’est tout à fait normal. Car Julia Joy Raffel n’existe pas. Ou plutôt, c’est une intelligence artificielle.

Dinner depression, le livre qui ne vous remontera pas le moral

Dinner depression est un projet développé par Mikkel Thybo Loose, étudiant spécialisé en machine learning et Andreas Refsgaard, artiste. Tous deux sont danois. Quand nous avons demandé à Andreas Refsgaard s’il avait lu le livre de Julia Joy Raffel, il s’est mis à rire et a prononcé un « non » franc. Il a ajouté qu’il ne souhaitait ça « à personne ». (...)

Parce que j’ai parfois un sens profond du sacrifice, je me suis malgré tout plongée dedans. Au niveau de la mise en page, il faut d’abord admettre que c’est plutôt réussi. Il y a une table des matières avec les chapitres, des paragraphes distincts, des guillemets, des majuscules au début des phrases, pas mal de ponctuation. Si l’on met de côté le fait que le livre commence par le chapitre 8 car l’IA s’est trompée dans les chiffres romains, ça fait illusion. (...)

Là où ça se gâte, c’est lorsque l’on commence à lire (...)

Je lis des phrases longues de 8 lignes qui me semblent interminables. Les subordonnées s’accumulent dans un joyeux micmac, je ne comprends rien aux personnages ou à leurs actions, ni même à l’histoire en général. En fait, je me rends compte qu’il n’y a pas d’histoire. C’est long, laborieux, douloureux. (...)

Il a fallu plusieurs ajustements pour que le projet ressemble à quelque chose, notamment parce que l’IA inventait parfois un peu trop de mots. Mais à en croire Andreas Refsgaard, cela ne serait pas un problème. « Si notre but avait été d’écrire de bons livres, nous aurions évidemment été déçus, dit-il. Mais en l’occurrence, ça ne nous dérangeait pas. Je trouvais même ça intéressant de voir comment une machine mixe parfois des mots pour en créer un autre qui pourrait avoir du sens ».

Il y a effectivement des passages qui m’ont arraché un sourire, voire qui m’ont semblé poétiques. Était-ce parce qu’il s’agissait des seules phrases à peu près compréhensibles de l’ouvrage ? Je n’exclus pas cette option. (...)

Sur Skype, Andreas Refsgaard m’a raconté qu’il avait créé cette librairie virtuelle « pour s’amuser », mais aussi pour se moquer des prophéties qui voudraient que les robots remplacent bientôt les humains, y compris dans le milieu de l’art — dans la musique notamment. (...)

Un journaliste de NME avait par exemple écrit à propos d’un livre inspiré de l’univers de Harry Potter : « JK Rowling n’a pas à s’inquiéter des robots qui pourraient la remplacer. Dans ses meilleurs extraits, le livre pourrait à la limite être adapté en un film si mauvais qu’il en devient sympathique. » (...)

Si vous êtes curieux et un peu doué en informatique, sachez qu’il existe un site pour créer sa propre histoire avec une IA. Il s’appelle Literai et est gratuit. Le résultat semble de qualité… aléatoire.