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« Nous sommes à un tournant majeur de l’histoire de l’édition »
Article mis en ligne le 28 janvier 2013
dernière modification le 23 janvier 2013

Quelle est aujourd’hui la réalité du métier d’éditeur ? Quelle place pour celles et ceux qui ont choisi de privilégier une ligne éditoriale exigeante, en prise avec les préoccupations des sociétés civiles ? David Eloy, de la revue Altermondes, s’est entretenu avec François Gèze, président-directeur général de La Découverte, une maison d’édition spécialisée dans les sciences humaines et sociales, dont la ligne éditoriale, « Des livres pour comprendre, des livres pour agir », en a fait un compagnon de route des mouvements citoyens.

Être éditeur, c’est jouer le rôle de passeur entre des personnes, qui produisent des idées ou créent des fictions, et des lecteurs qui trouvent utilité ou plaisir à lire ces travaux. Ce cœur de métier — choisir et faire connaître – est resté le même. L’environnement, lui, a changé. Il y a d’abord une évolution du lectorat, marquée par une forte chute des très grands lecteurs (ceux qui lisent plus de 25 livres par an). Les enquêtes du ministère de la Culture montrent que ces grands lecteurs, qui représentaient 22 % des plus de quinze ans en 1973, n’étaient plus que 11 % en 2009.

C’est une évolution préoccupante, révélant que, dès les années 1980, les pratiques de lecture des jeunes générations, des étudiants, ont changé de façon très significative. On l’a vu notamment dans le champ des sciences humaines et sociales. À partir de cette époque, le public étudiant s’est de plus en plus détourné du livre comme support privilégié de connaissance. La lecture de curiosité a beaucoup décliné au profit des seules lectures utilitaristes, permettant de décrocher ses examens. (...)

La curiosité livresque n’a pas disparu, elle s’est éparpillée. (...)

On a touché un public plus large, au moins pour une certaine catégorie de livres. Mais depuis deux ans, on est entré dans une période de récession. On prévoit pour 2012 au moins 6 % de baisse sur l’ensemble du marché. Le recul est encore plus important dans les autres pays européens. (...)

Ce tassement très fort est dû, bien entendu, à la crise, mais elle n’explique pas tout. Il y a aussi, comme chez nous, un recul du nombre de grands lecteurs. Nous sommes donc à un tournant majeur, peut-être le plus important depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. (...)

depuis quelques années, les livres aidant à comprendre la mondialisation – surtout les plus radicaux – se vendent bien, parfois même très bien. Je pense aux livres de Naomi Klein, de Joseph Stiglitz ou des « économistes atterrés ». Et Le Monde selon Monsanto de Marie-Monique Robin s’est vendu à 80 000 exemplaires ! Il y a donc un vrai appétit de comprendre les nouvelles formes de la mondialisation. (...)

les livres spécifiquement consacrés au mouvement altermondialiste ne se vendent plus guère. Mais les idées qu’il véhicule se retrouvent dans d’autres livres, qui s’adressent à des publics différents voire plus larges. Il y a une forme de banalisation de ces idées, dans le bon sens du terme. (...)

l’édition électronique va devenir l’édition première et l’édition papier se fera à la demande. Cela va complètement modifier notre écosystème. Auparavant, avec toutes les difficultés de diffusion du livre imprimé, notamment à l’international, nombre d’ouvrages restaient méconnus. Les technologies numériques (publication en ligne, numérisation des fonds, moteurs de recherche, Web sémantique…) renouvellent complètement les conditions d’accès à la connaissance. (...)

Le fait de lire un livre avec un début et une fin et de pouvoir travailler dessus apporte, au plan cognitif et politique, beaucoup plus que de rester simplement baigné dans le flux permanent de l’information ou de la circulation des textes. (...)