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« Monsieur le Président, en baissant le coût du capital, on peut embaucher et augmenter les salaires »
Daniel Sanchis
Article mis en ligne le 27 octobre 2017

Le droit du travail empêche-t-il d’embaucher ? Le coût du travail est-il trop élevé pour permettre aux entreprises d’être compétitives ? Les représentants des employés et des employeurs ont-ils les moyens de réellement négocier dans l’intérêt de tous ? Daniel Sanchis s’appuie sur son expérience de consultant et de chef d’entreprise pour interpeller, dans cette tribune, Emmanuel Macron sur ses nombreuses erreurs de diagnostic. Et lance des pistes pour une politique alternative au sein des entreprises : « Cela suppose d’inverser la logique qui considère que le travail, c’est à dire le moyen de la création humaine, ne se mesure que comme un coût. »

Monsieur le Président,

Je vous écris une lettre que vous lirez peut-être si vous avez le temps. »
L’emprunt à la chanson de Boris Vian s’arrêtera là, je ne suis en effet ni déserteur, ni résigné.

Je veux ici vous faire part de mes convictions fondées sur l’expérience d’un consultant et chef d’entreprise. J’ai donc, semble-t-il au moins, la légitimité de mon appartenance à la société civile. Il paraît que c’est un gage de vertu.
Je voudrais vous faire part de mon désaccord profond sur la méthode que vous avez utilisée dans la mise en œuvre des réformes du « marché du travail » et, comme je suis un optimiste raisonné et constructif, de quelques propositions.

Mon désaccord porte tout d’abord sur la formulation d’un diagnostic que vous présentez comme allant de soi : la société française serait malade d’un excès de contraintes qui pèseraient sur le travail et la compétitivité de nos entreprises. Les solutions seraient donc évidentes : il suffirait de réduire ces contraintes et le coût du travail pour que « le travail soit libéré » et que notre pays soit à nouveau dans la « course ».

Je pourrais vous faire remarquer que nombre de responsables politiques, ministres et Présidents de la République, sans compter les commentateurs, cercles de réflexion et autres lobbies n’ont pas tenu de discours différents depuis de nombreuses années. On pourrait également rétorquer que la plupart des thérapies administrées tant au niveau du pays que dans les entreprises vont dans le même sens, depuis longtemps aussi. Je préfère néanmoins m’appuyer sur des éléments factuels de démonstration qui sont de nature à vous éclairer sur quelques erreurs de diagnostic que vous commettez. (...)

Si j’en juge par les mesures que vous aviez introduites dans la loi qui porte votre nom dans le précédent gouvernement, alors que vous étiez ministre, je dois conclure que la tâche n’est pas aussi aisée que d’aucuns le prétendent puisque alors que vous appeliez de vos vœux une « cure d’amaigrissement » pour le Code du Travail, ces mesures ont conduit à en rajouter plusieurs pages !

Plus sérieusement, différentes enquêtes, tout comme le très officiel Insee [3], mettent en évidence que les différentes mesures que votre gouvernement veut imposer ne correspondent pas à des problématiques au cœur des préoccupations des entreprises françaises. En effet, les entreprises qui souhaitent embaucher mettent en avant surtout les incertitudes économiques et l’inadéquation des compétences par rapport à leurs besoins, en tant que freins à leur développement.

Elles sont relativement peu nombreuses à citer les difficultés de licencier, sont très minoritaires pour regretter trop d’instances et de représentants du personnel – qui semblent plus relever des éléments de langage dans les discours du Medef que de la réalité quotidienne des entreprises et des entrepreneurs. D’ailleurs, dans la plupart des mesures négociées par les employeurs qui font des plans sociaux, on relève des mesures incitatives ou des primes de départ qui vont au-delà de la loi !

Souffrance, accidents, absentéisme et gâchis de qualification (...)

Un état de restructuration permanente, des systèmes de gestion par objectifs non discutés et souvent irréalistes mettent en péril les collectifs de travail et génèrent de la souffrance, des accidents, de l’absentéisme au travail, et des gâchis de qualification.

Voilà donc, Monsieur le Président une seconde erreur de diagnostic qui ne situe pas les entraves du travail et de l’emploi au bon endroit ! (...)

Je vais arrêter là mon énumération qui pourrait devenir lassante pour vous rappeler que les erreurs de diagnostic peuvent être fatales et… pour partager avec vous, Monsieur le Président, encore deux désaccords de méthode : d’une part, vous confondez vitesse et précipitation et d’autre part, vous limitez le nombre et la qualité des personnes ou institutions consultées.

Ce n’est pas de démocratie virtuelle dont nous avons besoin mais de permettre aux principaux intéressés de donner leur avis alors même que ce sont sans doute ceux qui doutent déjà le plus de l’efficacité de nos institutions élitistes et l’ont manifesté par leur désaffection record des urnes dans les récentes échéances électorales.

« Inverser la logique qui considère que le travail ne se mesure que comme un coût » (...)

pour terminer cette missive, je me permets de vous suggérer quelques pistes d’action qui permettent de donner de l’espoir aux forces vives de ce pays. Il est possible baisser les prix pour améliorer la compétitivité des entreprises, en améliorant l’emploi, la rémunération et les conditions de travail tout en rémunérant les apporteurs de capitaux. (...)

Vous l’aurez compris, Monsieur le Président, organiser le débat et l’action concrète à partir des faits, pour surmonter les clivages idéologiques et favoriser la construction de compromis, nous paraît être une perspective autrement préférable et enthousiasmante à la démarche autoritaire, dogmatique et injuste que vous privilégiez en ce début de quinquennat.