
Je vais avoir seize ans, je m’intéresse à beaucoup de choses, pas spécialement à la politique. Jusque-là je ne comprends pas très bien l’agitation initiale, dont peu de choses nous parviennent à l’internat de ce grand lycée de la région parisienne où j’ai fait toute ma scolarité secondaire. À un moment on nous renvoie à la maison, je ne sais plus quand exactement.
Toujours est-il que c’est là, le plus souvent sur le petit balcon de notre appartement de la banlieue nord, la radio à côté de moi (surtout Europe 1) que je commence à suivre « les événements » en direct. Et il m’apparaît qu’il va se passer quelque chose de très important le 13 mai.
J’ai très envie d’aller voir ça. Et c’est là que ma mère a un coup de génie, manipulatoire mais coup de génie quand même. Comme ma petite sœur, deux ans de moins que moi, que cela n’intéresse pas spécialement mais qui est très curieuse, a envie d’y aller, ma mère me dit : « Tu peux y aller, mais tu fais attention à ta sœur, et vous devez être rentrés à 7 heures du soir. » ; et je n’y vois pas malice. Longtemps après j’ai pensé qu’un petit bout de destin s’était peut-être joué à cet instant précis. (...)