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Menace sur l’ONF : la forêt publique en sursis
Article mis en ligne le 10 mars 2020

Après 15 ans de réformes bancales et un malaise profond du personnel, le gouvernement est en train d’accélérer la privatisation de l’ONF. Ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est la fin du statut de fonctionnaire et le remplacement par des salariés de droit privé.

Décryptage : pourquoi cette nouvelle manœuvre est une menace pour les forêts publiques.

Alors qu’il y a encore quelques mois, en juillet 2019, un rapport interministériel reconnaissait la « richesse exceptionnelle » du travail des agents de l’ONF et l’intérêt « primordial de [le] conserver », c’est l’inverse qui est en train de se produire.

Le 22 janvier 2020, premier coup de semonce : dans une lettre adressée aux agents, le nouveau directeur, Bertrand Munch, annonce la modification prochaine du code forestier visant à « généraliser l’accès des personnels sous contrat de droit privé à l’ensemble des métiers et fonctions de l’établissement ».

Dans la foulée, le 5 février 2020, le Conseil des ministres valide le projet de loi ASAP (Accélération de la Simplification de l’Action Publique) et son article 33 qui autoriserait le gouvernement à modifier par ordonnance le code forestier pour encourager le recrutement de salariés de droit privé. (...)

Cette nouvelle mesure vise avant tout un objectif financier en abaissant les coûts de fonctionnement (un fonctionnaire coûtant environ 20% plus qu’un contractuel) au détriment de l’indépendance et de l’expérience des agents de l’Office. Frédéric Bedel, ingénieur à l’ONF et membre de SNUPFEN Solidaires, souligne que les nouveaux employés de droit privé ne seront pas assermentés sur le code forestier : “ Le gouvernement est en train de s’attaquer au fondement même du régime forestier : la notion de forêt publique qui ouvre le code Forestier ”.

La missive du directeur général mentionne également le développement des activités commerciales visant à optimiser les recettes de l’Office. (...)

le gouvernement français continue de prioriser la dimension économique de la gestion de la forêt publique au préjudice des enjeux environnementaux et sociaux auxquels elle est confrontée. “L’agent forestier n’est plus doté des moyens ni de la structure pour assurer ses priorités comme l’adaptation des écosystèmes et le maintien du couvert forestier” constate Frédéric Bedel.

La position de l’État et les obligations de rendement imposées (l’ONF produit 40% du bois en France, sur 25% de la surface forestière) contribuent à un sentiment de perte de sens des agents de l’ONF et mettent à mal leurs missions traditionnelles (...)

Perçus comme des « coupeurs de bois », ils sont aujourd’hui dans une position délicate. Ils font face à la direction d’une part, et de l’autre à l’opinion publique, préoccupée par l’impact nocif de la gestion actuelle et l’état de la forêt publique.
Entre les attentes des citoyens et l’ONF, un fossé qui se creuse (...)

Pour dénoncer cette gestion productiviste, certains citoyens se sont regroupés en associations et ont été abasourdis par l’absence d’autocritique de la part des agents locaux. (...)

Le statut de fonctionnaire, dernier rempart contre l’industrialisation des forêts ?

Dans la région Grand Est, le cas d’Eric Bonnaire nous donne un autre exemple du délaissement par l’ONF de ses missions de conservation, et de l’isolement des agents qui tentent d’y résister. (...)

De par son mandat et pour avoir voulu faire son travail consciencieusement, Eric Bonnaire a hérité d’une réputation de fauteur de troubles, a été bloqué dans sa carrière et a été le seul agent sur toute la Lorraine soumis à une mobilité forcée. Après des années de manœuvres de découragement de la part de sa direction Eric Bonnaire a été écarté de son étude de la forêt de Verdun, mettant fin à 12 ans de recherche. L’expérience d’Eric Bonnaire démontre l’importance de la protection du statut de fonctionnaire dans un état institutionnel dégradé. Grâce à son statut, il a pu défendre ses missions pendant des années, il n’a été soumis à aucune mesure disciplinaire car il a toujours appliqué les règles sur lesquelles il avait été assermenté : celles du code forestier. S’il a tout de même pu être isolé et privé de ses fonctions, même protégé par son statut, qu’en sera-t-il pour un salarié du privé, beaucoup moins protégé ? (...)

le fonctionnaire se doit de désobéir à son supérieur hiérarchique si l’ordre donné compromet l’intérêt général.

Privatiser la force de travail de l’ONF, c’est porter atteinte à son indépendance et affaiblir ses missions de protection des forêts et d’accueil du public. (...)