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Mémoire du groupe des étrangers
Article mis en ligne le 24 février 2019

Le 21 février 1944, Missak Manouchian et vingt-et-un membres de son groupe de Résistance, le FTP-MOI (Francs-Tireurs Partisans, Main d’Oeuvre Immigrée), étaient arrêtés et fusillés par les Nazis. Olga Bancic, arrêtée elle aussi, était décapitée quelques mois plus tard. Le texte qui suit leur rend hommage.

Pour beaucoup, la mémoire du « groupe des étrangers » est d’abord celle d’une chanson : « L’Affiche rouge » composée par Léo Ferré sur un poème de Louis Aragon, « Strophes pour se souvenir »... Ce texte, publié par Aragon dans son grand livre de 1956 Le Roman inachevé [1] avait été écrit l’année précédente, à l’occasion de l’inauguration, onze ans après la mort de ses combattants, d’une rue Groupe Manouchian à Paris. Aragon écrit dans les notes qui accompagnent son livre : « Le poète arménien Manouchian, héros de notre résistance, chef du groupe dit « des étrangers », ou « de l’affiche rouge », a été fusillé par les nazis en février 1944. »

Vous n’avez réclamé la gloire ni les larmes

Ni l’orgue ni la prière aux agonisants

Onze ans déjà que cela passe vite onze ans

Vous vous étiez servi simplement de vos armes

La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans

(...)

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes

Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants

L’affiche qui semblait une tache de sang

Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles

Y cherchait un effet de peur sur les passants

La propagande nazie s’était en effet employée à utiliser les noms et les visages des martyrs du « groupe des étrangers » pour tenter de discréditer la Résistance aux yeux des populations endormies. L’affiche était rouge (semblant ainsi « une tache de sang » - mais le sang n’était pas la seule symbolique du rouge) et de petits portraits des fusillés y formaient autant de points blancs, disposés en un triangle pointant vers le bas. Ces portraits étaient censés être reçus par les français comme une insulte. Le texte de l’affiche rouge disait : « Des libérateurs ? La libération par l’armée du crime ! ». Sous les noms imprononçables d’une dizaine de membres du groupe ¬¬- presque tous immigrés, espagnols, italiens, juifs d’Europe centrale, hongrois, polonais, arméniens [2] - le nombre d’attentats qui leur étaient imputés ; le nombre de leurs victimes. Sous leurs photos d’hommes traqués et défaits, mal rasés, haves, celles des armes et des explosifs que l’on disait avoir saisis lors de leur arrestation. (...)

Les propagandistes allemands, bien au fait des ressorts de l’idéologie dominante en France, savaient bien qu’en dénonçant la Résistance comme étant le fait d’étrangers, de juifs, de métèques, à l’allure repoussante et aux noms qui écorchent la bouche, ils en détourneraient les Français de mois en moins rares qui commençaient la considérer avec sympathie (...)

Le « groupe des étrangers », bien sûr, était d’abord internationaliste. Il ne faisait pas la guerre au peuple allemand, mais au fascisme hitlérien. (...)