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Marcia T. Allende, briser le silence
Article mis en ligne le 23 décembre 2015
dernière modification le 18 décembre 2015

La petite-fille de Salvador Allende ravive le souvenir de son grand-père dans un émouvant ­documentaire, primé au Festival de Cannes.

La date du 11 septembre était déjà de sinis­tre mémoire bien avant 2001. Au Chili en 1973, dans le palais de la Moneda assiégé par le putschiste Pinochet, c’est ce jour-là que se suicidait Salvador Allende, premier président socialiste élu démocratiquement. Un traumatisme national mais aussi familial, comme le dévoile Allende mon grand-père. Ce film, salué par l’Œil d’or du meilleur documentaire à Can­nes, est l’œuvre de Marcia Tambutti Allende, petite-fille (née en 1971) de celui que ses proches surnommaient affectueusement « Chicho ». La fa­mil­­le fuit alors à Cuba puis au Mexique, où la jeune femme deviendra biologiste.

« Sa mort nous a volé sa vie », résume celle qui, en 2005, réalise qu’elle ne sait rien de son illustre aïeul : « J’aurais aussi bien pu m’appeler Marcia Tambutti Lopez ! J’avais de lui la même image que tout le monde et je voulais en saisir une qui soit plus personnelle. » Car si les siens entretiennent l’héritage politique du président Allende, la face intime d’el Chicho reste taboue, trop douloureuse à évoquer. (...)

Vingt-cinq ans plus tard, sa grand-mère Hortensia Bussi étant déjà nonagénaire (elle ne verra pas le film), le temps est venu de briser le silence. Question de génération : « Après avoir grandi en exil avec cette souffrance, nous avons le droit de poser des questions. Pour surmonter un tel drame, il ne faut pas refouler ses émotions, mais s’y confronter. Nous avions aussi besoin d’un autre point de vue, qui ne soit pas sociopolitique. »

DE LONGUE HALEINE

Marcia Tambutti Allende mène donc des recherches au Chili, rencontre les anciens amis et collaborateurs de son grand-père, et se met en tête de réaliser un documentaire (...)

Une entreprise de longue haleine, exigeant patience et persévérance. Il faut dire que le portrait intime tourne de fait à la thérapie familiale.
(...)

Alors que les siens ne comprenaient pas sa démarche, la jeune femme parviendra in fine à les amadouer. « Quand ils ont vu que j’avais quit­té mon travail et le Mexique – où j’avais une bonne situation – pour aller vivre chez ma mère, ils ont réalisé à quel point ce projet était important pour moi, et admis que ma curiosité était légitime. Leur attitude a vraiment changé lorsque j’ai apporté des photos ou visité certains lieux avec eux, ce qui a ravivé des souvenirs. En fait, ils se sont rendus compte de leur déni en découvrant leurs réactions à l’écran. (...)

« Le terme allende signifie ‘au-delà’. Il n’est plus utilisé que dans le sport. Quand une équipe chilienne va jouer en Argentine, on dit allende los Andes (au-delà des An­des). » Et au-delà du deuil contrarié du clan Allende, il y a celui d’un peuple. « Le silence qui régnait chez nous existe aussi dans la société chilienne. J’ai compris que mon film était d’utilité publique. »

Bien accueilli au pays, ce documentaire con­tribue en effet à la mémoire retrouvée de Salvador Allende. (...)