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Entre les lignes entre les mots
Mais on peut aussi porter le deuil sans une robe noire
Ceija Stojka : Nous vivons cachés – Récits d’une Romni à travers le siècle Traduit de l’allemand (Autriche) par Sabine Macher Suivi de deux entretiens et un essai par Karin Berger Editions Isabelle Sauvage, Plounéour-Ménez 2018, 296 pages, 27 euros
Article mis en ligne le 27 juillet 2021
dernière modification le 26 juillet 2021

« A pied ou, de rares fois, en train, Ceija Stojka rentre avec sa mère au printemps 1945 du camp de Bergen-Belsen à Vienne ». Dans sa préface Karin Berger présente l’autrice et son parcours, sa volonté d’apprendre à lire et à écrire, « Etre en classe avec des enfants de sept ans alors qu’elle en a treize n’est pas facile pour elle, mais elle tient le coup jusqu’à de qu’elle sache lire et écrire », ses rencontres-dialogues avec elle, les effets de la publication de son premier livre, « Pour la première fois en Autriche, l’horreur que les Roms et Sinté ont vécue sous le régime nazi est plus largement sue et perçue, et Ceija elle-même devient un témoin historique important dans l’espace public »

Le témoignage de l’autrice est sans haine, elle ne réclame rien. Son écriture est une nouveauté en regard de sa culture de tradition orale, « Elle est issue d’une culture qui transmet l’histoire et les témoignages par le récit, le conte et le chant, qui sont de la même importance pour les Roms que pour nous les archives et les livres ».

Une parole importante, comblant le vide, l’invisibilité historique construite des populations Roms et Sinté en Europe et de leur destruction par les nazis.

C’est ça le monde ? Le grillage mis par la Gestapo autour d’une petite maison en bois, « je revis tout maintenant comme si c’était hier », la déportation, la tonte, « quand la pièce a été tellement remplie que même une souris n’y rentrait plus, le transport à Auschwitz a été organisé », numéro Z 6399, le camp, les clôtures, « il ne fallait pas qu’il y ait le moindre signe que les gens souffrent. Il ne fallait pas non plus qu’on sache qu’il y avait des crématoires », les cris venant de la forêt, « Mais nous on entendait et on savait tout » (...)

« Colportage et mendicité interdits sous peine de poursuite », un enfant en prison, « C’était l’hiver 1968 et je sentais le froid d’Auschwitz », le quotidien, le monde des Gagjé, le soleil chaud et lumineux, la mort, « Les années passaient pour moi dans un sevrage constant et incessant de mon enfant chéri », le chemin et la vie…

« Souvent j’ai peur que mes enfants et leurs enfants aient à vivre des temps de persécution comme nous les avons vécus. De toute façon, ils souffrent des crimes nazis de l’époque. Souvent, ils ont grandi sans grand-mère ou grand-père, souvent aussi sans père ou mère. Et leurs oncles et tantes, ils sont où ? »

Les deux conversations avec Karin Berger « Il ne faut pas être une autre » et « Tant qu’il y aura des Roms, ils chanteront » sont précédées d’un cahier de photographies. (...)

Le télescopage du passé et du présent. « Je n’ai pas mis ma vie au cachot ». Un livre contre l’oubli ou le silence. Des conversations pour la mémoire, la musique et la liberté.