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Recherches Internationales
Mafias, crime organisé, corruption et paradis fiscaux
ÉDITORIAL Michel Rogalski Recherches internationales, n° 105, Octobre - décembre 2015
Article mis en ligne le 14 juin 2016
dernière modification le 10 juin 2016

Le dernier scandale révélé par les « Panama papers » ont à nouveau braqué les projecteurs sur ce qui par définition doit rester discret, voire secret pour les opinions publiques qui ne doivent rien savoir des malversations à maintenir cachées. Beau coup pour les lanceurs d’alerte ! Aujourd’hui, tout le monde l’admet. L’économie mafieuse internationale ne s’est jamais aussi bien portée qu’aujourd’hui. Rapports, travaux et révélations s’accumulent, confirmant tous l’extraordinaire dynamisme de ces activités particulières ayant réussi à infiltrer des secteurs d’une extrême diversité. Ayant appris très vite à apprivoiser la mondialisation, des réseaux mafieux se sont organisés et maillent désormais la planète, se jouant des frontières et des différences de législation. Ils ont su prendre comme modèle la façon dont les firmes transnationales les ont précédés en la matière. Profitant de l’aubaine qu’a représentée l’explosion de la mondialisation libérale et financière depuis quelques décennies, ces réseaux en ont utilisé tous les rouages et en sont devenus, à travers de vastes opérations de blanchiment, des interlocuteurs quasi officiels.

Car il faut bien profiter de ce qu’a rapporté son crimeet utiliser en toute légalité ce qui a été acquis illégalement. Ainsi la libéralisation financière permet aux gagnants de la dernière vague de mondialisation de se rapprocher dans un bénéfice réciproque permettant aux uns de jouir de leur forfait moyennant une dîme raisonnable et aux autres d’accroître leurs profits et de pouvoir bénéficier d’une manne douteuse qui viendra gonfler leur trésorerie déjà bien confortable. Tout cela au détriment des perdants de la mondialisation, les États et leur souveraineté, les peuples et la démocratie. N’oublions jamais que la mondialisation est devenu le processus, présenté comme naturel, qui permet de faire ailleurs, sans entrave, ce qui est devenu interdit dans son pays grâce à l’élévation d’acquis sociaux. Nombreux, hélas, sont les pays qui s’inscrivent dans ce mécanisme en valorisant les pires aspects de leur attractivité, les mettant ainsi en concurrence.
Le dernier scandale que révèle la presse mondiale et accusant le Panama de jouer un rôle pivot dans le fonctionnement de cette économie maffieuse confirme tout ce que les spécialistes avaient largement décrit. Ce scandale des « Panama papers » paraît énorme parce qu’il ne concerne qu’une seule société – la Mossack Fonseca – et que l’on sait que c’est par milliers que de telles officines prospèrent. Certains clients devant émarger à plusieurs.

Peu de domaines échappent à ces activités mafieuses. (...)

Cette gangrène s’est développée à l’échelle de la planète et a affecté certains États à un niveau tel que l’on peut alors parler d’une véritable osmose entre milieux mafieux et pouvoirs dès lors que nouveaux maîtres de guerre et parrains dialoguent d’égal à égal avec les responsables politiques. Cette image de marque colle à la réputation de certains pays.
Au coeur même de l’Europe, des micro ou pseudo-états ont trouvé leur raison d’être. Mais surtout le Luxembourg en a fait sa spécialisation internationale. Monsieur Jean-Claude Juncker, actuel président de la Commission européenne, était Premier ministre et président de l’Eurogroupe lorsque son pays s’est engagé dans cette voie en négociant des avantages fiscaux particuliers aux firmes européennes, leur permettant d’échapper aux fiscalités plus élevées de leur pays d’origine – le mécanisme du « tax ruling ». Ceci s’est traduit par un manque à gagner de recettes fiscales dans des pays accusés dans le même temps de déficits budgétaires trop élevés. Ainsi la main droite menaçait ceux qui étaient victimes des conséquences de ce qu’avait faitla main gauche. Hypocrisie ! Partout les États et les populations souffrent de ces pratiques dont l’idéologie dominante favorise la progression et qui restent encore insuffisamment réprimées.
Le pire, c’est que la plupart de ces activités respectent les règles légales et sont conseillées par maints cabinets d’avocats qui ont vite vu un filon de spécialisation, au point d’être devenus des rouages organiques annexes du système mis en place. (...)

Ces scandales ne sont jamais révélés par la puissance publique. En France, depuis 1977, seuls les ministres du Budget disposent du monopole d’engager l’action publique pour poursuivre les fraudeurs fiscaux. Tout s’organise dans la discrétion de leur administration. Les juges ne peuvent ainsi s’autosaisir.
C’est parfois au détour d’une procédure de divorce ou d’une succession conflictuelle que le pot aux roses est découvert. Mais c’est surtout grâce au rôle des lanceurs d’alerte que la vérité éclate. Ils doivent pouvoir bénéficier d’un statut protecteur et non pas être poursuivis.