
La campagne du président sortant est dépourvue d’enthousiasme, de l’aveu même de ceux qui y participent. Mesures impopulaires, démobilisation, excès d’arrogance... Le doute s’installe parmi les troupes macronistes, où certains craignent la « balladurisation » de leur champion face à Marine Le Pen.
En surface, tout semble parfaitement maîtrisé. Le projet d’Emmanuel Macron est lancé, les tracts sont distribués sur les marchés, les vidéos de soutien se multiplient sur les réseaux sociaux et le grand meeting du samedi 2 avril s’organise de telle sorte que les 30 000 places assises de La Défense Arena (Hauts-de-Seine) soient remplies. Pourtant, en coulisses, l’ambiance est bien moins festive qu’il n’y paraît. (...)
Pour éviter les sorties de route, les équipes d’Emmanuel Macron ont fait le choix, comme en 2017, de se passer d’un organigramme officiel. Aucun poste n’a donc été pourvu, ni celui de directeur de campagne ni ceux de porte-parole. La plupart des ministres et élu·es de la majorité ont découvert le projet en même temps que les journalistes et ont dû réclamer les éléments de détail – pour ne pas dire de langage – afin d’en assurer le service après-vente. (...)
Depuis plusieurs jours, nombre de macronistes font en effet le même constat, résumé de la façon suivante par une conseillère : « Ça ne fait pas envie. » Les réunions publiques, organisées à travers la France en présence de ministres ou d’élu·es de la majorité, n’enthousiasment pas vraiment les foules. Plusieurs de ceux qui ont animé celle de Nice (Alpes-Maritimes) le 22 mars, avec notamment l’ancien premier ministre Édouard Philippe, décrivent « une salle un peu molle ».
Partout ailleurs, c’est la même chose : « Ce qu’on fait ressemble à des réunions Tupperware. Ce n’est pas inintéressant, mais enfin bon… Il n’y a rien non plus de flamboyant », confie un ministre. Pour lui, cette situation tient avant tout à l’absence du président sortant, accaparé par la guerre en Ukraine, qui avait lui-même prévenu, en officialisant sa candidature le 3 mars, qu’il « ne pourrai[t] pas mener campagne comme [il l’aurait] souhaité en raison du contexte ».
S’il joue indiscutablement un rôle dans ce que d’aucuns qualifient de « campagne ovni », ce contexte n’explique pas tout. En témoigne le peu de retentissement qu’ont eu les dernières interventions médiatiques d’Emmanuel Macron, que plusieurs de ses soutiens reconnaissent n’avoir même pas regardées. Les mêmes s’agacent d’une campagne sans surprises, « verrouillée » par la garde rapprochée du candidat, à commencer par l’omniprésent secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler. (...)
si elle passe le premier tour, Marine Le Pen bénéficiera d’une réserve de voix parmi l’électorat d’Éric Zemmour, mais aussi celui de la candidate Les Républicains (LR) Valérie Pécresse. Et ce, alors même que l’éloignement du centre-gauche, pierre angulaire de l’élection de 2017, et le refus de faire une nouvelle fois barrage à l’extrême droite occupent tous les esprits de LREM depuis plusieurs mois.
Bon nombre de soutiens d’Emmanuel Macron appréhendent l’abstention, craignant qu’une démobilisation de leur base dès le premier tour modifie aussi bien les résultats de celui-ci que la dynamique d’entre-deux-tours. (...)
le président-candidat pensait pouvoir survoler la campagne et enjamber le scrutin. Comme en témoigne le manque d’anticipation sur l’affaire McKinsey, dont il peine à se défaire, il a de nouveau péché par présomption, sa marque de fabrique. Oubliant qu’en matière électorale rien ne se passe jamais comme prévu.