Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
Macron au Rwanda : les impossibles excuses ?
Article mis en ligne le 26 mai 2021

Emmanuel Macron se rend, jeudi 27 mai, à Kigali, au Rwanda, pour une visite très attendue. Nombre d’observateurs espèrent que le président français posera un acte historique en présentant les excuses de la France pour son rôle dans le génocide des Tutsis.

« Cela fait longtemps que le Rwanda attend. C’est peut-être aussi l’unique chose qu’il attend de la France, sachant bien que le passé ne peut être défait. »

Aggee Shyaka Mugabe n’a pas besoin de circonlocutions pour dire l’enjeu qui entoure la question des excuses de la France au Rwanda. En deux phrases, l’enseignant-chercheur rwandais résume les fractures de 27 ans d’histoire : le trop long silence français à propos du rôle de Paris dans le génocide des Tutsis, l’attente et les espoirs qui entourent la visite d’Emmanuel Macron à Kigali, mais aussi ce constat, clinique et tragique : rien ne pourra défaire le génocide des Tutsis, au cours duquel entre 800 000 et 1 million de personnes ont été tuées, en 1994.

Depuis la publication du rapport Duclert, plusieurs scientifiques, intellectuels et représentants associatifs français et rwandais ont dit leur souhait de voir le président français demander officiellement pardon aux Rwandaises et Rwandais pour le rôle joué par la France dans le génocide.

« À titre personnel, je pense que des excuses s’imposent », a estimé l’historien Vincent Duclert, quelques jours après avoir remis à Emmanuel Macron le rapport de la commission qu’il présidait. (...)

Des députés rwandais et des rescapés du génocide ont également pris la parole dans ce sens, à l’image de Jeanne Allaire Kayigirwa, demandant que « la France reconnaisse, une fois pour toutes, ses défaillances vis-à-vis de [leurs] familles décimées », que « la justice puisse passer et que les excuses se fassent ».

Le président rwandais, Paul Kagame, pour sa part, après avoir longtemps souhaité publiquement des excuses de la part de la France, préfère désormais rappeler que « des excuses ne peuvent venir à la demande ».

Enjeu diplomatique dans un contexte de rapprochement entre les deux pays, les excuses françaises semblent également souhaitées par nombre de Rwandais. (...)

L’impossible pardon

Attendues, les excuses françaises – si Emmanuel Macron choisit effectivement de les présenter – n’en seront pas moins périlleuses. D’abord parce que le président français devra faire face à un immense vide.

« Il faut que l’on sache que ce pardon n’arrivera pas aux vrais destinataires. Les véritables personnes à qui on devrait l’adresser sont celles dont les corps sont dispersés dans le pays », rappelle sombrement l’intellectuelle franco-rwandaise Assumpta Mugiraneza, dont une partie de la famille a été tuée pendant le génocide.

« L’histoire du pardon, c’est d’abord une histoire avec soi-même. C’est presque une question franco-française. Au Rwanda, nous, nous sommes morts, nous le savons, et que vous le reconnaissiez ou pas, cela ne change pas grand-chose », ajoute-t-elle.

Malgré tout, poursuit-elle, « l’arrivée tardive de la France pourrait peut-être apporter quelque chose, un nouveau souffle aux questionnements que nous portons tous face à ce crime. Mais le pardon n’est pas une affaire où l’on vient comme on pose une gerbe de fleurs, en y pensant ou sans y penser ». C’est une démarche longue, insiste l’intellectuelle, qui suppose une introspection et un regard sans complaisance sur ses fautes.

Diplômée en psychologie sociale, un temps enseignante à Paris VIII et à l’université de Kigali, Assumpta Mugiraneza est désormais directrice du centre Iriba, un centre de documentation et d’archives sur l’histoire du Rwanda et du génocide des Tutsis, à Kigali. (...)

« L’histoire jugera de sa sincérité »

L’essentiel n’est pas le moment que choisira Emmanuel Macron, mais bien la manière. Au Rwanda, nombre de rescapés ont été échaudés par les politiques dites de « réconciliation » et de pardon encouragées par l’État, l’Église et les organisations internationales. (...)