
Plus de deux mois durant, ces soignantes et plus de la moitié de leurs collègues ont tenu tête aux dirigeants de deux groupes de l’hospitalisation privée. Julien Jaulin/Hanslucas
Elles ont mené une grève historique par sa durée à la clinique des Ormeaux, à Tarbes. Un mois après leur victoire, cinq des chevilles ouvrières du mouvement se racontent.
Ses premiers mots sont sans appel : « Je ne veux surtout pas être leader », se défend vigoureusement mais joyeusement Laurence Charroy, la secrétaire du syndicat CGT de la clinique de l’Ormeau à Tarbes (Hautes-Pyrénées), à peine assise. À ses côtés, Isabelle, Marie-Céline, une seconde Laurence, toutes aides-soignantes, et Juliette, l’infirmière du groupe. Elles ont participé à la plus longue grève jamais vécue par une clinique privée, 64 jours. Plus de deux mois durant lesquels ces soignantes et plus de la moitié de leurs collègues ont tenu tête aux dirigeants de deux groupes de l’hospitalisation privée. Médipôle, leur employeur, en cours de rachat par le géant Elsan, en passe de devenir le numéro un des établissements privés lucratifs pour le compte de fonds d’investissement très gourmands.
À la clinique, le feu couvait depuis un moment déjà lorsque la grève a éclaté, le 8 novembre 2016. Les journées de grève et de manifestations se sont alors succédé jusqu’au 10 janvier. Des jours, des nuits aussi, ponctués par l’incroyable vague de solidarité de toute une population, une convocation au tribunal pour dix-sept d’entre elles, accusées de dégradation de la polyclinique, le chaud et froid soufflé par leur employeur au fil de dix-huit séances de négociations qui s’achèveront dans les bureaux du premier ministre (...)
Le projet de réorganisation des services de chirurgie inquiétait singulièrement les équipes. « Le nouveau propriétaire voulait créer une grande plateforme chirurgicale où tout le monde aurait été polyvalent », expliquent les cinq soignantes. Et, pour boucler le tout, les agents des services hospitaliers (ASH) étaient exclus de l’équipe de soins et rattachées à un service d’hôtellerie. « Souvent les patients se confient aux ASH au moment des repas ou du rangement de leurs chambres. Ces confidences nous sont précieuses pour accompagner les malades », souligne l’aide-soignante Marie-Céline. Le cocktail explosif ne demandait qu’à éclater. Manquait l’audace du pas de côté qui change le cours des choses. L’audace de dire non. (...)