
La liste d’environ 450 médicaments dits essentiels dont le gouvernement français s’engage à assurer la disponibilité comprend des médicaments inutiles, voire à écarter des soins, et en omet d’autres qui sont réellement essentiels dans de nombreuses situations de soins courantes. La méthode d’élaboration de cette liste et la gestion des conflits d’intérêts posent problème par leur opacité.
Les pénuries de médicaments, durables en France et ailleurs, sont de plus en plus insupportables pour les patients et les soignants. Elles sont à l’origine de pertes de chance pour les patients, de beaucoup d’anxiété, et parfois de colère envers les soignants. Ces pénuries font perdre du temps aux soignants, pourtant déjà débordés dans un système de soins en crise.
Les firmes pharmaceutiques, responsables des pénuries de médicaments, ne remplissent pas leur obligation d’assurer un accès aux médicaments qu’elles commercialisent. La France a mis en place au fil des années un ensemble de mesures pour obliger les firmes à remplir cette mission de base : approvisionner le marché en quantité suffisante. Ces mesures n’ont pas eu un grand effet. Il est donc bienvenu que le gouvernement français concoure à établir une « liste des médicaments essentiels pour répondre aux besoins prioritaires des Français » (ICI), afin que soit maintenu un stock minimal permettant d’éviter tensions et ruptures d’approvisionnement pour les substances concernées.
La liste d’environ 450 médicaments (y compris une vingtaine de vaccins) dévoilée le 13 juin 2023 est cependant très discutable.
Des redondances qui témoignent d’un manque de sélection parmi les substances disponibles. (...)
Des médicaments qu’il serait surtout essentiel d’écarter des soins pour mieux soigner ! Certains médicaments de cette liste sont même à écarter des soins pour mieux soigner en raison d’une balance bénéfices-risques défavorable, selon l’analyse de Prescrire (...)
Nous avons repéré une autre absence, révélatrice au minimum de la précipitation qui a conduit à élaborer cette liste : celle-ci ne comprend aucun médicament utilisé dans la contraception en dehors d’un contexte d’urgence (...)
Nous avons en outre repéré diverses coquilles, erreurs de codification dans la classification anatomique, thérapeutique et chimique (ATC) ou de libellé (...)
Une liste d’incohérences non exhaustive, qui trahit un réel manque de rigueur. Comment cette liste de médicaments dits essentiels a-t-elle été précisément établie, et par qui ? Quelle transparence sur les méthodes de documentation et les critères de sélection ? Les avis de la Commission de la transparence de la Haute autorité de santé ont-ils été consultés ? Les démarches entreprises ailleurs dans l’Union européenne ont-elles été prise en compte ? Comment ont été géré d’éventuels conflits d’intérêts, etc. ? La liste disponible à ce jour révèle un certain amateurisme dans un domaine où l’exigence de qualité s’impose, dans l’intérêt premier des patients. Le gouvernement français peut et doit mieux faire, et doit revoir sa copie dans les meilleurs délais.