
Madame Belloubet, vous partagez avec la société le désintérêt, voire la haine de celles et ceux qu’elle désigne comme des délinquants ; et partant de là, des sous-humains. Mais il se peut que votre nom passe à la postérité pour une raison bien particulière : vous seriez celle qui a prétendu défendre la société en assumant de laisser mourir ses prisonniers.
« Nous, détenus, accusons le système judiciaire et carcéral
de nous mettre en danger de mort
et demandons immédiatement le désengorgement de toutes les prisons.
Nous, détenus, sommes tout simplement au bord de la rupture
qui s’est accentuée avec ce contexte anxiogène
de la propagation du virus Covid-19. »
Madame la ministre des tribunaux et des prisons,
L’Envolée a été fondée en 2001 par d’anciens prisonniers et prisonnières et des proches pour servir de porte-voix à celles et ceux qui savent ce qui se vit au jour le jour derrière les murs, loin des regards du fameux « peuple français » au nom duquel vous les condamnez. « Personne ne se préoccupe de notre état de santé. […] Nous présentons des symptômes de fièvre, le nez qui coule, et la gorge qui pique. […] L’administration trouve une seule solution : “Vous vous étouffez pas ? Y a pas de souci à se faire !” »
Vous ne protégez pas, vous menacez ; car c’est la prison elle-même – déjà en temps normal, mais plus encore en ce moment – qui place les prisonniers et prisonnières en danger de mort : « Ils attendent qu’on tombe par terre pour nous envoyer à l’infirmerie. »
Vous feignez de ne pas entendre la révolte des prisons alors même que votre administration pénitentiaire est terrifiée par les refus de remonter de promenade, les blocages, les montées sur les toits, les incendies dans toutes les prisons de France : Aiton, Aix-en-Provence, Angers, Argentan, Bar-le-Duc, Béziers, Bois-d’Arcy, Carcassonne, Coulaines, Douai, Draguignan, Ducos en Martinique, Epinal, Fleury-Mérogis, Grasse, Grenoble, Le Mans, Lille-Sequedin, Limoges, Longuenesse, Luynes, Lyon-Corbas, Maubeuge, Marseille-Les-Baumettes, Meaux, Metz, Montauban, Moulin, Nancy, Nanterre, Nantes, Neuvic, Nice, Paris-La Santé, Perpignan, Réau, Reims, Rennes-Vezin, Rémire-Montjoly à Cayenne en Guyane, Roanne, St-Etienne, St-Malo, St-Quentin-Falavier, Toulon, Uzerche, Val-de-Reuil, Valence, Varenne-le-Grand, Villefranche… La liste s’allonge tous les jours.
Le 17 mars, vous avez choisi – en guise de mesure de confinement – de les couper brutalement de l’extérieur en supprimant tous les parloirs et toutes les activités en détention. Concrètement, cela signifie que l’ensemble des prisonniers et prisonnières vont passer 23 heures sur 24 dans une cellule de 9 m2 à deux, trois, quatre ou plus, sans jamais voir leurs proches. (...)
« Nous voulons un dépistage pour chaque détenu ainsi que pour chaque membre de l’administration pénitentiaire. Nous souhaitons que tous les agents pénitentiaires sans exception soient équipés de gants et de masques (ce sont eux les plus exposés au virus car ce sont eux qui rentrent et sortent de l’établissement). Nous voulons être informés de l’évolution de cette situation ». (...)
Vous envoyez des Eris (Equipes régionales d’intervention et de sécurité, des bandes de cagoulés en armes) aboyer au visage des prisonniers et les massacrer pour briser les mutineries. (...)
Vos tribunaux font pleuvoir les années de prison supplémentaires sur les supposés meneurs de ces révoltes légitimes. Vous transférez des prisonniers de prison en prison, prenant ainsi le risque de répandre un peu plus la contamination et les éloignant de leurs familles.
Vous refusez toute grâce collective, toute loi d’amnistie, alors que vous et vos amis n’avez plus que le mot « guerre » à la bouche. (...)
déjà en temps dit « normal », l’accès aux soins est catastrophique en prison ; de très nombreux prisonniers et prisonnières souffrent de pathologies qui les rendent extrêmement vulnérables à une maladie telle que le Covid-19. « En Iran, ils ont libéré 85 000 détenus, en France on parle de 5 000 ? Une goutte d’eau au milieu de la mer. »
Le seul but votre annonce était de tendre une carotte aux prisonniers, donnant à chacun l’espoir d’être le prochain… sur une liste ridiculement courte. Car vous mentez aussi sur les chiffres : vos services incluent dans ces prétendues « libérations » des reports de mise en détention et des aménagements déjà prévus. Pire : vous allongez à six mois la durée maximum de la détention préventive afin de ne surtout pas laisser sortir 21 000 personnes pourtant présumées innocentes11 ; et votre gouvernement vote une loi qui prévoit jusqu’à six mois de prison ferme pour le non-respect d’un confinement qui étend la logique de l’isolement carcéral à l’ensemble de la société. (...)
déjà en temps dit « normal », l’accès aux soins est catastrophique en prison ; de très nombreux prisonniers et prisonnières souffrent de pathologies qui les rendent extrêmement vulnérables à une maladie telle que le Covid-19. « En Iran, ils ont libéré 85 000 détenus, en France on parle de 5 000 ? Une goutte d’eau au milieu de la mer. »
Le seul but votre annonce était de tendre une carotte aux prisonniers, donnant à chacun l’espoir d’être le prochain… sur une liste ridiculement courte. Car vous mentez aussi sur les chiffres : vos services incluent dans ces prétendues « libérations » des reports de mise en détention et des aménagements déjà prévus. Pire : vous allongez à six mois la durée maximum de la détention préventive afin de ne surtout pas laisser sortir 21 000 personnes pourtant présumées innocentes11 ; et votre gouvernement vote une loi qui prévoit jusqu’à six mois de prison ferme pour le non-respect d’un confinement qui étend la logique de l’isolement carcéral à l’ensemble de la société. (...)
Enfin, vous faites rouvrir des ateliers pénitentiaires pour faire fabriquer les masques que l’Etat a trouvé trop onéreux de stocker. Ils seront produits à vil prix par une main-d’œuvre corvéable à merci… et pas pour eux-mêmes mais pour leurs geôliers.
Maintenant que le cynisme de vos premières décisions éclaire vos véritables intentions ; maintenant qu’il est manifeste que vous ne viderez pas même un petit peu les prisons ; maintenant qu’il ne fait plus aucun doute que la coercition sécuritaire de votre Etat sera inversement proportionnelle à sa scandaleuse gestion sanitaire, nous sommes contraints d’anticiper. (...)
Vous partagez certes avec vos illustres prédécesseurs la responsabilité du surenfermement de la population. (...)