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Libération
Lesbos : l’appel au secours des réfugiés et des habitants de l’île
Article mis en ligne le 2 mars 2020

Alors qu’un centre de rétention fermé se construit sur le camp de Moria et que se profile une nouvelle crise de l’accueil, réfugiés et personnalités civiles exhortent les députés européens à réagir, ne pas laisser la Grèce seule, et ouvrir leurs frontières.

Tribune. Lesbos, le 26 février 2020. Appuyés par un lourd déploiement de policiers antiémeute, les bulldozers ont commencé à creuser pour créer le centre de rétention fermé destiné aux personnes qui arrivent de Turquie en Europe, sur les îles grecques. Cela a lieu en pleine offensive sur Idlib, et en pleine nouvelle « crise des réfugiés » que l’Europe laisse la Grèce régler, seule, à sa place.

Des îles grecques qui sont bel et bien l’Europe, on en a fait depuis des mois un espace de fiction : ni hors d’Europe, puisqu’on peut espérer y demander l’asile, ni dans l’Europe puisque, si l’on peut encore circuler dans l’île, on est empêché de circuler dans le pays. Le gouvernement grec veut aller plus loin : il a décidé d’enfermer les personnes, sans distinction, dans des centres fermés dont elles ne sortiront plus, ce qui les privera de toute relation avec l’extérieur. Cela porte un nom : des prisons. La prison à ciel ouvert qu’était l’île se trouve un toit, des murs. Cela enfreint bien sûr le droit international. (...)

Les Grecs de Lesbos s’y opposent avec la dernière énergie. Eux qui ont su être si hospitaliers jusque-là, fiers de leur île et de leur capacité à accueillir, constatent qu’on les en empêche de plus en plus. Car s’il est déjà très difficile d’accueillir quelqu’un qu’on retient de force, il est impossible d’accueillir quelqu’un dans une prison. Les réfugiés, eux qui ont tout tenté pour vivre libres, observent, inquiets, la situation, coincés entre leur immense peur de l’enfermement et leur respect pour les Grecs en colère. Il y a quinze jours, dans les manifestations spontanées, on entendait « Lesbos people, we are sorry, sorry ». Aujourd’hui, les uns et les autres appellent au secours. Ils vous appellent au secours.

Réunissant des personnes exilées, des habitants directement concernés et des défenseurs de leurs droits, de toutes tendances politiques, les signatures portées au bas de ce texte témoignent d’un refus commun : celui de voir la politique européenne produire d’un même geste le pire pour les personnes en demande de refuge, et pour celles qui souhaitent leur témoigner hospitalité et solidarité. Les mêmes murs entendent, en les séparant, enfermer l’humanité des uns et nier la citoyenneté européenne des autres en les dépossédant du droit d’exercer l’accueil sur leur propre sol : c’est cette double négation qu’il s’agit ici de refuser, tant l’amertume qu’elle engendre ne peut que contribuer à la montée des extrémismes. (...)