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Les zones à faibles émissions, une stratégie pas si écologique
#voiture #urgenceclimatique #transportsencommun
Article mis en ligne le 4 février 2023

Des millions de voitures polluantes seront bientôt interdites avec les règles des zones à faibles émissions (ZFE). Mais cette mesure va surtout promouvoir les voitures électriques, chères et peu écologiques.

Cette enquête est diffusée en partenariat avec l’émission La Terre au carré, de Mathieu Vidard, sur France Inter.

« Encore une mesure pro-automobile ! » L’économiste et urbaniste Frédéric Héran ne décolère pas. Avec l’instauration des zones à faibles émissions (ZFE), le gouvernement prône une « mobilité fondée sur le tout-voiture et le tout-camion », estime-t-il. Ces ZFE visent pourtant à réduire drastiquement l’usage de la voiture thermique dans les grands centres urbains. Quarante-trois agglomérations sont concernées et devront progressivement interdire, suivant le calendrier de leur choix, l’accès du centre-ville aux véhicules les plus polluants.

La mesure détaillée successivement dans les lois d’Orientation des mobilités et Climat & Résilience a un motif sanitaire : la réduction de la circulation doit permettre d’améliorer la qualité de l’air de nos villes. Car la France n’est pas bonne élève en la matière. (...)

Pour faire baisser rapidement la pollution urbaine, le gouvernement mise donc sur la mise en place des ZFE. Avec un calendrier serré, et des critères stricts.
En route vers l’électrique

Pour aider les Français à s’adapter au plus vite — et répondre au mécontentement croissant —, le gouvernement multiplie les dispositifs d’accompagnement à l’achat d’une voiture « propre » : aides à la conversion, bonus écologique, prêt à taux zéro.

L’objectif : passer d’un parc automobile thermique à un parc auto électrique le plus vite possible. Au risque de délocaliser les émissions de gaz à effet de serre associées à la production d’une flotte conséquente de véhicules neufs, de mettre au rebut quantité de véhicules devenues obsolètes et d’exacerber les fractures sociales qui ont fait naître les Gilets jaunes il y a quatre ans. (...)

Devant cette stratégie du tout-voiture, Frédéric Héran dénonce l’absence de réflexion générale sur l’avenir de nos mobilités. Quid des transports collectifs et des mobilités douces ? Et d’une manière générale, devra-t-on se déplacer autant dans un monde en proie au chaos climatique ? Ne peut-on pas imaginer une ville plus résiliente, plus inclusive qui rénove notre façon de vivre et réduit les distances que nous parcourons chaque jour ? (...)

« La voiture électrique reste un mode de transport élitiste », confirme Camille Defard, de l’institut Jacques Delors. Le reste à charge — de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers d’euros — reste inabordable pour de nombreux ménages. » En outre, les modèles électriques sont souvent volumineux.

Conséquence : leur pertinence environnementale est à relativiser car, sur l’ensemble de leur cycle de vie, seuls les modèles de taille modeste sont plus écologiques que les véhicules thermiques. « La situation des ZFE est paradoxale : la pollution diminue localement, mais la pression climatique augmente ailleurs », résume la porte-parole d’Alternatiba Marseille, Florence Joly.

Pour les constructeurs automobiles en revanche, la mesure est une aubaine. (...)

Pour tenter de convaincre du bien-fondé de son soutien au secteur, le gouvernement planche avec les constructeurs sur une offre de voiture électrique en location que les Français pourraient utiliser pour une centaine d’euros par mois. Problème : le secteur rechigne à développer ces petits modèles, moins rentables - mais pas leurs concurrents chinois.

Sortir du modèle du tout-voiture

Face à ces mesures, Frédéric Héran appelle au développement de politiques des transports plus cohérentes (...)

Pour que la mesure soit juste, les alternatives et la concertation locale sont indispensables. Une fois les besoins identifiés, charge aux collectivités d’adapter l’offre (TER, tram, bus, métro, pistes cyclables, trottinettes, etc.) et les mesures d’accompagnement (dérogations, financements des transports en commun). (...)
(...) Au niveau régional, le Conseil d’orientation des infrastructures recommande le développement du ferroviaire sur lequel un « effort conséquent est impératif » alors que les moyens prévus dans le budget de l’État sont insuffisants. À l’échelle locale, la densification et la diversification des offres de transports collectifs sont primordiales.

Selon l’historien à l’université Paris-La Sorbonne Mathieu Flonneau, spécialiste de l’automobilisme, les collectivités territoriales ont eu tendance à délaisser les transports publics dans leur planification urbaine (...)

Le vélo toujours à la traîne

« Il y a une exaltation de l’hyperindividualisme des transports. On cherche à faire croire que le bus ou le métro sont dépassés », déplore l’historien. Les villes misent aujourd’hui sur de nouveaux modes de transports alternatifs « plus ludiques » : le vélo en libre partage et les trottinettes électriques.

Le vélo représente une « offre de mobilité active » judicieuse alors que plus de la moitié des Français utilisent leur véhicule pour aller travailler à moins de deux kilomètres de chez eux. (...)

Dans les grandes métropoles, il existe un risque d’exclusion des populations rurales ou périurbaines, car les villes se sont développées au 20e siècle en fonction de la voiture. (...)

Dans les grandes métropoles, il existe un risque d’exclusion des populations rurales ou périurbaines, car les villes se sont développées au 20e siècle en fonction de la voiture. (...)

Il faudrait donc aussi envisager le problème en sens inverse, et repenser la ville pour redynamiser les lieux d’habitation : réintégrer les commerces, les entreprises, les services au cœur de la ville. Frédéric Héran est confiant : la situation pourrait s’inverser.
Mobilité équitable (...)

Pour le spécialiste, se déplacer librement et facilement est aujourd’hui considéré comme un bien commun. Cependant, la mobilité ne restera une liberté individuelle qu’à la condition que toute la population y ait un accès égalitaire, et que celle-ci ne grève pas l’avenir des générations futures.