
Des dizaines de modérateurs africains externalisés de TikTok, Facebook et ChatGPT ont annoncé lundi à Nairobi, au Kenya, leur intention de se syndicaliser. L’initiative donnerait naissance au premier syndicat africain de modérateurs de contenu, une démarche qui pourrait avoir des conséquences importantes pour les activités de certaines des plus grandes entreprises technologiques du monde. Ces travailleurs se plaignent régulièrement de leurs conditions de travail, leurs rémunérations (parfois inférieur à 2 dollars par heure) et les impacts de la modération de contenu sur leur santé mentale. Certains d’entre eux ont affirmé qu’ils souffraient de SSPT (stress post-traumatique).
Les Africains travaillant à rendre les plateformes de médias sociaux tels que Facebook et TikTok et les chatbots d’IA comme ChatGPT moins toxiques haussent le ton face à leurs employeurs et dénoncent le mauvais traitement dont ils affirment être victimes. Employés par des sociétés d’externalisation tierces, ces travailleurs fournissent des services de modération de contenu aux plateformes des entreprises telles que Meta, ByteDance et OpenAI. Chaque jour, ils parcourent des milliers de bribes de texte et visionnent des dizaines d’heures de vidéos pour filtrer des contenus décrivant des récits d’abus sexuels sur des enfants, tortures, meurtres, suicides et incestes.
Beaucoup d’experts classent ce travail parmi les plus ingrats de l’industrie technologique. Mais encore, malgré la charge mentale de ce travail, qui a laissé de nombreux modérateurs de contenu souffrant de SSPT, leurs emplois sont parmi les moins bien payés de l’industrie technologique mondiale
(...) Par exemple, un rapport a révélé en janvier qu’OpenAI a fait appel à des travailleurs kényans externalisés, payés moins de 2 dollars par heure, pour passer au crible certains des coins les plus sombres d’Internet afin de créer un système de filtre d’IA qui serait intégré à ChatGPT afin de réduire sa toxicité. (...)
Mais ces travailleurs tentent désormais d’obliger les grandes entreprises pour lesquelles ils opèrent à améliorer leurs conditions de travail et ont annoncé lundi à Nairobi, au Kenya, leur intention de se syndiquer. (...)
Les travailleurs sont fiers de leur travail et ne veulent plus vivre dans la peur. (...)
« Pendant trop longtemps, nous, les travailleurs qui alimentent la révolution de l’IA, avons été traités différemment et comme n’étant que des modérateurs. Notre travail est tout aussi important et il est également dangereux. Nous avons franchi une étape historique aujourd’hui. Le chemin est long, mais nous sommes déterminés à nous battre pour que les gens ne soient pas abusés comme nous l’avons été », a déclaré Richard Mathenge, un ancien modérateur de contenu de ChatGPT qui a travaillé sur le contrat de l’entreprise d’externalisation Sama avec OpenAI, qui s’est terminé en 2022. Il considère cette étape comme une victoire pour les modérateurs.
Avec l’augmentation de la taille et de l’influence des entreprises technologiques, certains travailleurs ont commencé à réclamer la syndicalisation afin de protéger leurs droits et d’améliorer leurs conditions de travail. Mais ces dernières années, de nombreuses entreprises technologiques, notamment les Big Tech, ont été accusées d’avoir recours à des tactiques antisyndicales, dont l’embauche de consultants pour décourager les travailleurs de se syndiquer, les représailles contre les employés s’exprimant en faveur des syndicats et la création d’une culture antisyndicale. Elles envoient même des courriels demandant aux employés de voter contre la syndicalisation.
Par exemple, Amazon a été critiquée pour ses tactiques agressives contre les efforts de syndicalisation dans ses entrepôts, y compris l’embauche de détectives Pinkerton pour surveiller les travailleurs. (...)