
Les syndicats de salariés font-ils mieux que le patronat en terme de parité ? Les femmes constituent près de la moitié des adhérents des syndicats. Mais les instances dirigeantes de ces organisations restent encore majoritairement masculines. Les femmes sont pourtant les premières à subir les temps partiels forcés, les horaires décalés, l’arbitraire des employeurs. Leur présence dans les instances dirigeantes permet pourtant une meilleure prise en charge des questions d’égalité ou de lutte contre les violences sexistes. Au sein des syndicats, de vraies réflexions s’engagent, pour que les femmes aient plus de pouvoir et que de nouveaux usages se mettent en place. Mais pour arriver à l’égalité, il reste encore du travail !
Nadine assure : « Dans mon engagement syndical, je n’ai jamais eu de difficultés liées au fait d’être une femme. J’ai les mêmes temps de paroles que mes collègues masculins. On m’écoute, et je suis même devenue secrétaire générale adjointe de l’union départementale. Ce qui est sans doute plus compliqué pour les femmes, c’est de trouver un juste équilibre avec la vie privée. Parce que dans la société en général, on attend que les femmes soient toujours disponibles à la maison. Heureusement, j’ai le soutien de mon mari, qui connaît la réalité quotidienne des salariés de l’agro-alimentaire, parce qu’il y a travaillé. On partage le travail à la maison. C’est important. »
« Un temps partiel subi, ça ne favorise pas l’engagement »
L’expérience de Nadine est-elle représentative de la condition des femmes dans l’univers syndical, et de leur présence dans ses instances dirigeantes ? « Les femmes ont encore en grande partie la charge des enfants. Quand on devient responsable syndicale, il faut se déplacer pour des réunions, ça peut commencer à devenir compliqué », constate Michèle Biaggi, secrétaire confédérale chez FO. À Force ouvrière, comme dans la plupart des syndicats français, il y a presque autant d’adhérentes que d’adhérents. « Mais cette proportion ne se retrouve pas du tout au niveau des postes à responsabilités, regrette Michèle Biaggi. Dès qu’on à monte en grade, il y a moins de femmes. » (...)
Le paysage est similaire dans toutes les organisations syndicales françaises. (...) Sur le terrain, les chiffres progressent, mais doucement. (...)
Des secteurs d’emploi très féminisés conservent pourtant une majorité d’hommes à leur tête. « C’est le cas dans la fédération santé-social, par exemple, déplore Cécile Gondard-Lalanne, co-déléguée générale de l’Union syndicale Solidaires. Il y a un plafond de verre, y compris dans ces fédérations. À Solidaires, nous ne dépassons pas un tiers de femmes dans les deux instances nationales. Les femmes ont tendance à rester à l’écart du niveau interprofessionnel, qui est l’échelon véritablement politique dans les syndicats. Des camarades hommes ne lâchent pas ces postes de pouvoir. Mais il y a une prise de conscience. Nous avons un corpus revendicatif important sur le sujet. Et nous agissons sur les questions des horaires des réunions, de la prise en charge des enfants, pour aider les équipes à donner les moyens aux femmes de s’engager. »
Parité en meetings
Les organisations expérimentent chacune des solutions pour remédier à ce retard. (...)
Au-delà des chiffres, c’est l’enjeu majeur de la présence des femmes au sein des instances dirigeantes des syndicats : faire en sorte que les revendications d’égalité femme-homme au travail soient mieux défendues. Plus il y aura de femmes dans les instances dirigeantes des syndicats, plus il y aura de chances que les questions d’égalité s’imposent. « Je n’ai jamais connu de mobilisation sur un texte qui insistait sur l’impact sur les femmes, ça ne mobilise pas », rapporte Michèle Biaggi.
Et si les choses étaient justement en train de changer ? « Maintenant, les questions d’inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes sont très clairement prises en compte au niveau du syndicat. Sur la question des temps partiels, par exemple, essentiellement subis par les femmes », estime Sandra Buaillon, secrétaire départementale CGT à Paris, et ancienne salarié des magasins Printemps. « Aujourd’hui, dans nos négociations, nous mettons toujours la pression sur cette question. »
Contre la loi travail, « chausser les lunettes du genre »
Les représentantes syndicales ont par exemple très vite vu les conséquences du projet de loi travail sur les femmes. Des syndicalistes et des chercheuses ont signé dès le 8 mars une tribune pour rappeler que la réforme du droit du travail prévue par le gouvernement toucherait de plein fouet les femmes, qui représentent 80 % des salariées à temps partiel en France [4]. (...)
Les accords pour l’égalité, un levier ?
« Les régressions actuelles touchent en priorité les femmes. Nous ne sommes pas sur la même planète que ceux qui ont écrit cette loi. Ils ne connaissent pas la réalité du monde du travail, analyse Myriam Barnel, de l’union FO du Var. Ce que je vois sur le terrain, c’est le chantage à l’emploi. (...)
Embarras face au harcèlement au travail
Comment, justement, les syndicats s’engagent-il sur le problème des violences sexuelles ? « Les choses ont bougé, c’est évident. Nous sommes de plus en plus sollicitées par les syndicats pour intervenir dans des colloques, des conférences, des formations, témoigne Marilyn Baldeck, déléguée générale de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail. Nous avons aussi plus de demandes de renseignements par des délégués du personnel ou des élus syndicaux. Il y a une ouverture sur cette question des violences sexuelles et sexistes commises dans les relations de travail. Il n’empêche que les femmes rament encore à contre-courant sur ces questions au sein des syndicats. »
Selon la responsable associative, le bât blesse lorsque des adhérents des syndicats sont eux-mêmes mis en cause pour des faits de harcèlement. « Les responsables syndicaux nous disent que c’est compliqué pour eux, qu’ils doivent défendre les élus et adhérents mis en cause. À ma connaissance, il n’y a que l’union départementale de Paris de la CFDT qui a pris position clairement en disant “on ne défend pas les harceleurs, même s’ils sont adhérents à la CFDT”. Lutter contre le harcèlement sexuel ou pour l’égalité professionnelle, cela peut être un obstacle à la prise de responsabilité pour les femmes. »
Instaurer un droit d’alerte (...)