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Les smartphones creusent les trous de mémoire
Article mis en ligne le 30 octobre 2019
dernière modification le 29 octobre 2019

Notre portable aurait des effets négatifs sur notre cerveau. Avec lui, les souvenirs s’estompent et l’instant présent nous file entre les doigts.

Qu’on se le dise, l’expression « Carpe Diem » a pris un coup depuis l’adoption presque généralisée des smartphones. Aux concerts, c’est à travers leurs écrans que les mobinautes profitent du spectacle, tandis qu’au restaurant, leurs plats refroidissent alors qu’est recherché avec anxiété le bon filtre pour Instagram.
Selon plusieurs études, les téléphones intelligents altéreraient la concentration, leur simple présence réduisant massivement l’attention des utilisateurs et utilisatrices, par peur de manquer quelque chose sur les fils d’actualité constamment actualisés. Pire, prendre des photos avec son smartphone endommagerait notre mémoire et notre capacité à nous rappeler de nos souvenirs. (...)
Quelque soit le contexte ou l’activité pratiquée, une force irrésistible semble nous rappeler sans cesse à eux. Pour preuve, plus de 80% des Français·es regardent leur smartphone en compagnie de proches et le consultent tout en regardant la télévision.
Quant au temps passé à tapoter sur nos écrans, il dépasse les deux heures par jour pour les 15-34 ans ! Rien d’étonnant donc à ce que les théories interrogeant leur impact sur notre comportement fleurissent. (...)
Pour Catherine Lejealle, sociologue et chercheuse en adoption des nouvelles technologies, les smartphones révolutionnent notre rapport au temps et à l’espace : « On est désormais capables d’être au travail et de suivre une enchère sur eBay, d’être dans les transports et d’échanger avec sa moitié. L’ubiquité est possible. »
À ce multitasking s’ajoute la rapidité et l’accès constant à l’information, qui forment un cocktail harassant pour notre pauvre cerveau. Avoir le monde dans sa poche aurait un coût cognitif.
Cerveau en alerte (...)
Au vu de l’abondance d’informations reçues et de notre capacité limitée à les traiter, nous développons une attention sélective –ce qui nous permet, par exemple, d’entendre quelqu’un qui nous appelle au loin au milieu d’un brouhaha de discussions.
Or « les signaux émis par un téléphone activent le même système d’attention involontaire qui répond au son de notre propre nom », dévoile l’étude. « C’est comme une maman qui reconnaît les pleurs de son bébé parmi une crèche entière, commente Catherine Lejealle. On s’est conditionné à attendre des messages, car on assimile leur arrivée à un signal positif. » (...)
Résultat : on se retrouve avec moins de ressources cognitives pour gérer les autres tâches. (...)
En vacances ou en soirée, le smartphone est dégainé par 82% des Français·es pour immortaliser le moment présent. « C’est comme si ce qui n’était pas documenté n’existait pas », observe la sociologue. Seulement voilà, une fois l’instant photographié comme un trophée, il est immédiatement classé parmi des milliers d’autres clichés, puis vite oublié. (...)
Déléguée aux technologies et aux archives numériques, notre mémoire deviendrait moins performante. (...)
Ces hypothèses font écho à plusieurs travaux de recherche sur les effets de Google sur la mémoire, qui révèlent que lorsque nous savons que nous pouvons facilement obtenir une information sur notre ordinateur, nous aurions tendance à ne plus nous en souvenir.
Génération nomophobe
Les scientifiques à l’origine de l’étude sur le « brain drain » parlent également d’un impact des smartphones sur la mémoire, en particulier sur la mémoire de travail (dite à court terme) et sur l’intelligence fluide (la capacité d’analyse et de raisonnement). (...)
Pour la spécialiste, l’abus d’utilisation des smartphones serait davantage en cause que les smartphones en eux-mêmes. « Lorsqu’ils sont bien utilisés, ils ne sont pas forcément néfastes et peuvent même être des outils d’apprentissage », fait-elle remarquer.
Scientifiquement, rien ne prouve encore qu’à long terme, l’utilisation excessive des smartphones pourrait engendrer des effets sur le cerveau ou la mémoire des adultes. Mais la nomophobie, soit la peur d’être séparé·e de son portable, est quant à elle bien réelle. (...)
la meilleure solution semble être de réguler ses propres usages. Les scientifiques à l’origine de la théorie du « brain drain » conseillent par exemple « des périodes de séparation définies et sanctuarisées » susceptibles de « permettre aux utilisateurs d’être plus performants ».
« On pourrait tous se ménager, concède pour sa part Catherine Lejealle. Il faut se forcer à noter ses priorités et urgences personnelles. Sinon, on passe sa journée à répondre aux urgences et priorités des autres. »
Comble de l’ironie, des applications mobiles existent pour réduire le temps passé... sur son smartphone.