
L’industrie automobile est toujours dans la tourmente. PSA a annoncé à l’automne la suppression de 5 000 postes en France, un sacrifice retardé pour cause d’élection présidentielle. Basta ! a été recueillir le point de vue de ceux que l’on n’entend jamais lorsque l’on parle « restructurations » et « compétitivité » : les salariés. Qu’en pensent-ils, du moins ceux qui osent se syndiquer ?
(...) Comme dans la plupart des usines de production, la réorganisation du travail a été menée tambour battant depuis vingt ans. Avec pour objectif d’aller toujours plus vite, de produire toujours moins cher… Sans se soucier des conditions de travail des salariés, sans même les associer à ces évolutions. « Il faut être toujours plus rapide, toujours plus performant. Les cadences augmentent tout le temps », résume Loïc Pottier, élu CFTC, dans l’usine depuis trente ans.
Et ce n’est pas près de s’améliorer (...)
Tout est prévu pour que l’on ne perde pas une seule minute. L’usine est automatisée, d’accord, mais en même temps on a surchargé les postes de travail. » Sur les lignes, les voitures défilent tellement vite que les gars disent n’avoir pas même le temps de se moucher… et encore moins de se parler, cela va de soi.
Dans les bureaux, c’est assez semblable (...)
Ces trois dernières années, le compactage des lignes s’est accéléré. Les espaces de circulation se sont encore réduits. Et les flux densifiés. « Les conditions de sécurité se sont énormément dégradées. Des gars se font happer par des chariots ou des petits trains. Ils font tomber des colis, qu’ils doivent manutentionner de plus en plus vite… », décrit Fabrice Lucas. Tout cela dans un contexte d’augmentation de l’âge moyen des salariés, dont beaucoup ne peuvent plus tenir la marée. (...)
L’augmentation des accidents a inquiété jusqu’à la direction. Qui a lancé une campagne d’information sur la sécurité au travail. Il ne s’agit évidemment pas de remettre en cause ces nouvelles organisations. Mais plutôt de rendre chacun responsable de sa sécurité.
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Dans les ateliers, il y a aussi le système des pastilles vertes. Un système de « bons points » que la direction attribue aux équipes qui ne subissent pas d’incidents ni d’accidents du travail. Une invitation implicite pour chaque équipe à dissimuler les problèmes.
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« Avant, la personne était respectée. Les gens s’appliquaient pour améliorer leur poste. Ils donnaient des idées, faisaient des suggestions. On réfléchissait ensemble à ce qui pouvait être amélioré. Tout cela, c’est terminé, raconte Loïc Pottier. Maintenant, il y a tel poste, et on adapte la personne à ce poste. »
« Avant, quand les agents de gestion passaient dans les lignes, ils disaient bonjour ou échangeaient un mot avec les ouvriers, se souvient Alain Théfaine, de la CFTC, entré à l’usine en 1982. Maintenant, ils viennent juste voir si les machines fonctionnent bien. Ils ne disent même pas bonjour… Pour eux, on est juste une machine de plus. Des pions, de simples numéros. » (...)
La compétitivité, le chantage à la productivité, à la délocalisation : autant de réalités bien présentes. Insidieusement. Comme un venin qui ronge peu à peu la solidarité salariale à l’intérieur du groupe. (...)