Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Acrimed
Les mots médiatiques sont importants
Article mis en ligne le 3 novembre 2018
dernière modification le 31 octobre 2018

Que dire et que faire lorsque refleurissent, dans de grands médias, en gros titres ou en « unes », certaines associations de mots particulièrement incongrues sur les sujets les plus divers ?

Qu’on ne s’y trompe pas : ces titres là sont légion et notre sélection ne constitue malheureusement qu’un échantillon représentatif de ce que l’on peut trouver, chaque jour ou presque, dans la presse française. Outre le fait qu’ils reconduisent des idées reçues qui banalisent, voire encouragent, sciemment ou non, la xénophobie, les violences conjugales, la tartufferie écologique ou l’essayisme le plus inconséquent, ils ont au moins un point commun : l’abus de langage.

Que les journalistes manient l’euphémisme ou la litote avec plus ou moins de bonheur, passe encore. Mais qu’ils véhiculent et s’accommodent si facilement de telles contradictions dans les termes, voilà qui est préoccupant. Car le journaliste est responsable des mots, et le moins que l’on puisse attendre est qu’il en use avec précaution sinon discernement. La recherche systématique du bon mot ou de la formule qui fera mouche en « une » pour grapiller quelques clics, quelques lecteurs ou quelques points d’audimat, ne saurait rien excuser, bien au contraire.

Disons-le tout net : il ne s’agit nullement de renforcer un quelconque pouvoir de police du langage mais simplement de rappeler les journalistes à l’exigence première du métier : être attentif aux mots employés car les mots sont importants, notamment ceux qui sont voués à circuler dans le champ médiatique et, partant, dans l’espace public. À ce titre, l’emploi – ou l’oubli – des guillemets n’est pas sans conséquence. (...)

Car les professionnels du discours oublient parfois que les mots sont de la dynamite symbolique (qu’il suffise de songer au glissement islam/ islamisation ou islamique/ islamiste plus présent et prégnant que jamais dans le champ journalistique, comme en témoigne le dernier « brûlot » en date qui brille plus par sa candeur méthodologique et sa course au buzz effrénée que par la rigueur de l’investigation) ; ainsi, il n’y a souvent qu’un pas entre déformation et désinformation. Au gré d’approximations scandaleuses et d’associations hasardeuses comme celles qui figurent ci-dessus, cette novlangue journalistique « chic et choc » mais vide de sens risque fort de déformer la réalité voire, à terme, de la transformer.

On le sait depuis longtemps, travestir le langage, c’est altérer la pensée (...)

Comment ne pas souscrire, dès lors, à la mise en garde de George Orwell lorsqu’il écrivait, non sans une ironie amère, que « c’est une belle chose que de détruire les mots » ?