Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
entre les lignes, entre les mots/Gustave Massiah, ingénieur, économiste ,membre du Conseil scientifique de Attac-France, membre du Conseil international du Forum social mondial
Les migrantes et les migrants sont le sel de la terre. Les migrations, une révolution à venir
#migrants #migrations
Article mis en ligne le 16 juin 2023

Nous vivons une rupture dans l’histoire longue des migrations. L’Histoire des migrations se confond avec l’Histoire de l’Humanité ; elle s’inscrit dans le temps long et structurant de l’histoire humaine. Cette histoire a commencé en Afrique à partir des migrations des Néanderthaliens et de l’Homo Sapiens. Les migrants ne sont pas des intrus ; ils sont partie prenante de l’histoire de chaque société. Les migrations marquent l’imaginaire de notre monde : citons parmi d’autres le nomadisme, la sédentarisation avec la maîtrise de l’agriculture, l’exil, les colonisations, les diasporas, l’exode rural. Les migrations, avec l’industrialisation et l’urbanisation font partie des questions stratégiques du peuplement de la planète. Le débat sur la question démographique a marqué les cinquante dernières années. La prise de conscience des limites écologiques a fait exploser la conception du développement et le débat sur la démographie.

Les migrations politiques résultent des guerres et des conflits et se traduisent par les déplacements et les réfugiés. Les migrations environnementales qui commencent et qui vont bouleverser les équilibres de la population mondiale.

Dans le domaine des migrations, les ruptures à venir sont considérables. L’imaginaire des migrations porte encore la contradiction entre nomades et sédentaires qui a accompagné l’histoire de l’humanité depuis l’invention de l’agriculture en Mésopotamie. Les populations agricoles, dans pratiquement tous les pays, passent de la majorité de la population à environ 5% de la population totale. Cette évolution, au-delà des tensions et de l’exacerbation des contradictions, va bouleverser la situation et l’image des migrants. La réduction de la population agricole et la contestation des grands domaines agricoles extensifs par l’agriculture paysanne, vont changer la perception du rapport entre sédentaires et nomades.

Il en est de même pour la notion des frontières. Dans l’histoire longue des migrations, un changement important est intervenu entre le 17ème et le 18ème siècle, avec le passage de l’Etat-Empire à l’Etat-Nation. Les Etats-nations n’ont pas existé de tous temps et ne sont pas une forme éternelle. L’identité nationale est d’invention récente. Comme le disent si bien Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau, chaque individu a des identités multiples ; il est réducteur et faux de vouloir le rabattre à une seule identité, celle de l’identité nationale. La liberté de circulation et la citoyenneté de résidence font partie des droits émergents qui se renforceront dans l’avenir. Les migrants sont déjà, de multiple manière, des acteurs de la transformation des sociétés et du monde (...)

La bataille pour l’hégémonie culturelle accompagne la crise idéologique. Elle oppose violemment deux conceptions du monde ; d’un côté l’identitarisme et le sécuritarisme, de l’autre l’égalité et la solidarité. La bataille porte sur les libertés avec d’un côté une conception individualiste et libertarienne et de l’autre le lien entre les libertés individuelles et les libertés collectives. Les idées d’extrême droite n’ont pas été aussi présentes et fortes depuis la deuxième guerre mondiale. Elles mettent en avant dans la bataille idéologique la question des migrations. C’est une instrumentalisation médiatique. La bataille pour l’hégémonie culturelle porte d’abord sur l’égalité. Les migrations sont instrumentalisées mais elles partagent toujours autant les sociétés. Il y a autant d’appel à la haine que de manifestations de solidarité. (...)

Depuis quatre ans, les sondages annuels indiquent que 60% des sondés sont pour la citoyenneté de résidence et la participation des résidents étrangers aux élections locales. Et quand on les interroge sur leurs sujets d’inquiétude, les français mettent en tête le pouvoir d’achat et l’écologie ; l’islam arrive en dixième position et l’immigration en treizième position.

Le droit international définit les principes qui devraient guider les politiques migratoires. Il met en avant six principes de base : la dignité ; les droits des migrants ; la lutte contre le racisme ; la redéfinition du développement ; la liberté de circulation ; le respect du droit international. La dignité est le fondement de toutes les propositions. Les migrants doivent être reconnus comme acteurs de la transformation des sociétés de départ et d’accueil et comme acteurs de la transformation du monde. Le respect des droits des migrants s’inscrit dans le cadre du respect des droits de tous. Le droit des étrangers doit être fondé sur l’égalité des droits et non sur l’ordre public. Il commence par la régularisation des sans-papiers. Il met en avant le droit de vivre et travailler dans son pays et aussi le droit de libre circulation et d’installation. Il propose de reconnaître la citoyenneté de résidence. Le droit de vivre et travailler au pays est indissociable de la liberté de circulation et d’installation. L’envie de rester est inséparable du droit de partir.

La question des migrations nous rappelle que la décolonisation n’est pas terminée. (...)

Les migrantes et les migrants sont le sel de la terre.